KLIMT, le Baiser 1905
Que serais-je sans toi ?
A l’heure où le couple n’a jamais été aussi célébré, où « e-darling », « meetics » et autres speed-dating cherchent à nous faire rencontrer l’âme sœur, près d’un mariage sur deux se solde par un divorce ! La relation amoureuse et conjugale est entrée dans une phase de turbulences qui semble inévitable . Tout se passe comme si la relation conjugale ne pouvait survivre à la fin de la relation amoureuse, qui, chacun le sait désormais, « ne dure que trois ans » . Dès lors, la question du poète « Que serais-je sans toi ? » , n'est-elle pas désabusée , n'exprime-t-elle pas autre chose qu'un mal être passager bien vite dépassé par une autre conquête sur le net ?
Il s’agit de se demander si, en 2015, l’amour peut ne pas être désenchanté . Le poète suggère que sans la présence d’autrui et surtout sans la présence de l’être aimé, je ne suis rien , je ne suis pas . Mais faut-il prendre cette expression au sérieux ? En quel sens dit-on que je ne suis rien ? L’expression a-t-elle un sens aujourd’hui ? N’y-t-il pas de l’excès et de la démesure dans cette formule ? Mourir d’aimer n’est-ce pas le plus souvent juste métaphorique ? A priori, la rencontre amoureuse , les premiers regards, les premiers émois sont gages d’une vie heureuse et pleine de sens dont font part les romans et les films destinés aux adolescents . Pourtant, dans la littérature réputée plus sérieuse, l’amour ne se termine –t-il pas toujours plus ou moins tragiquement ? Qui pis est, dans la « vraie vie », l’amour ne s’achève-t-il pas par le désamour sans que pour autant nous en mourrions ? La présence de l’aimé(e) et de son amour sont-ils indispensables à mon être ? Ne puis-je pas être sans l’autre ? Mon existence n’est-elle pas indépendante de la présence d’autrui et a fortiori de son amour ? Ne suis-je pas plus authentiquement moi-même sans lui ?
Le problème concerne la relation entre « toi » et « moi » : est-ce que tu me fais vraiment être ? Dois-je considérer que ta présence comme ce qui me fait être et ton absence comme mortifère ou au contraire , dois-je assumer que ta présence et ton amour sont toujours déjà minés par l’usure et qu’en fin de compte je serais bien plus « moi » sans « toi » ? Si on considère que sans autrui et son amour je ne suis rien alors je me pense d’abord par rapport à autrui mais je risque d’être sous sa dépendance , de subir sa domination et à la limite de me faire chose sans respecter ma propre subjectivité . Si on considère, au contraire, que la présence de l’être aimé(e) est contingente et que notre relation, tout comme les objets du quotidien, est programmée pour l’obsolescence, alors je peux affirmer mon indépendance et ma liberté mais je risque d’être incapable de promesse et d’engagement . Il s’agirait de savoir si l’on peut penser une relation harmonieuse entre « toi » et « moi » pour que nous restions autonomes jusque dans l’amour et que nous ne renoncions pas à nous promettre fidélité . En fin de compte, nous retrouvons là un problème devenu classique qui peut nous aider à penser le couple du 21 ème siècle : comment briser le solipsisme sans obligatoirement rentrer dans le conflit des subjectivités ?
1 je me pose dans l’existence par un acte de mise à distance :
1.1 Ontologiquement : La découverte de mon existence est première et s’effectue dans un acte solitaire . Autrui n’est même pas absent au sens où l’absence n’est pas rien pour une conscience . Il n’est pas . Il y a un « je » sans « tu ». D’ailleurs DESCARTES ne prend même pas la peine de le mentionner . Les autres hommes font tout simplement partie du monde extérieur dont la réalité est révoquée en premier ! La seule altérité rencontrée dans l’épreuve du doute c’est celle du Malin Génie , mais ce n’est pas un « tu » , juste un « Il » destiné à être disqualifié . Il est à remarquer que le Tout Autre se rencontre dans ma conscience pour peu que mon esprit s’applique à considérer ses objets .
1.2 Epistémologiquement : je pense autrui à partir de moi . « je juge que ce sont des hommes comme moi. » DESCARTES
Texte n°1 :
« d’où je voudrais presque conclure, que l’on connaît la cire par la vision des yeux, et non par la seule inspection de l’esprit, si par hasard je ne regardais d’une fenêtre des hommes qui passent dans la rue, à la vue desquels je ne manque pas de dire que je vois des hommes, tout de même que je dis que je vois de la cire ; et cependant que vois- je de cette fenêtre, sinon des chapeaux et des manteaux, qui peuvent couvrir des spectres ou des hommes feints qui ne se remuent que par ressorts ? Mais je juge que ce sont de vrais hommes, et ainsi je comprends, par la seule puissance de juger qui réside en mon esprit, ce que je croyais voir de mes yeux. »
T° Si l’on radicalise une telle thèse , on aboutit à un non sens anthropologique : c’est impossible je dépends d’autrui : un monde sans autrui serait un monde inhumain . J’y perdrais la conscience de mon identité d’humain .
Texte n° 2
La solitude n’est pas une situation immuable où je me trouverais plongé depuis mon naufrage(...)
c’est un milieu corrosif qui agit sur moi lentement, mais sans relâche et dans un sens purement destructif. Le premier jour, je transitais entre deux sociétés humaines également imaginaires: l’équipage disparu et les habitants de l’île, car je la croyais peuplée. J’étais encore tout chaud de mes contacts avec mes compagnons de bord. Je poursuivais imaginairement le dialogue interrompu par la catastrophe. Et puis l’île s’est révélée déserte. J’avançai dans un paysage sans âme qui vive.(...) Dès lors je suis avec une horrible fascination le processus de déshumanisation dont je sens en moi l’inexorable travail. Je sais maintenant que chaque homme porte en lui -et comme au-dessus de lui- un fragile et complexe échafaudage d’habitudes, réponses, réflexes, mécanismes, préoccupations, rêves et implications qui s’est formé et continue à se transformés par les attouchements perpétuels de ses semblables. Privée de sève, cette délicate et fragile efflorescence s’étiole et se désagrège. Autrui, pièce maîtresse de mon univers...Je mesure chaque jour ce que je lui devais en enregistrant de nouvelles fissures dans mon édifice
personnel. Je sais ce que je risquerais en perdant l’usage de la parole, et je combats de toute l’ardeur de mon angoisse cette suprême déchéance. Mais mes relations avec les choses se trouvent elles-mêmes dénaturées par ma solitude. Lorsqu’un peintre ou un graveur introduit des personnages dans un paysage ou à proximité d’un monument, ce n’est pas par goût de l’accessoire. Les personnages donnent l’échelle et, ce qui importe davantage encore, ils
constituent des points de vue possibles qui ajoutent au point de vue réel de l’observateur d’indispensablesvirtualités.
A Speranza, il n’y a qu’un point de vue, le mien, dépouillé de toute virtualité. Et ce dépouillement nes’est pas fait en un jour. Au début, par un automatisme inconscient, je projetais des observateurs possibles -des paramètres- au sommet des collines, derrière tel rocher ou dans les branches de tel arbre. L’île se trouvait ainsi quadrillée par un réseau d’interpolations et d’extrapolations qui la différenciait et la douait d’intelligibilité. Ainsi fait tout homme normal dans une situation normale. Je n’ai pris conscience de cette fonction -comme de bien d’autres- qu’à mesure qu’elle se dégradait en moi. Aujourd’hui, c’est chose faite. Ma vision de l’île est réduite à elle-même. Ce que je n’en vois pas est un inconnu absolu. Partout où je ne suis pas règne une nuit insondable(...) Maintenant, c’en est fait, les ténèbres m’environnent.
Et ma solitude n’attaque pas que l’intelligibilité des choses. Elle mine jusqu’au fondement même de leur existence. De plus en plus, je suis assailli de doutes sur la véracité du témoignage de mes sens. Je sais maintenant que la terre sur laquelle mes deux pieds appuient aurait besoin pour ne pas vaciller que d’autres
que moi la foulent. Contre l’illusion d’optique, le mirage, l’hallucination, le rêve éveillé, le fantasme, ledélire, le trouble de l’audition... le rempart le plus sûr, c’est notre frère, notre voisin, notre ami ou notre ennemi, mais quelqu’un, grands dieux, quelqu’un!
Michel TOURNIER : Vendredi ou les limbes du Pacifique
2 on ne se pose qu’en s’opposant :
2.1 Exister, c’est être reconnu par autrui :
Ontologiquement la cs est désir et le désir le plus fondamental n’est pas un désir d’avoir mais un désir d’être , d’être reconnu : dialectique du Maître et de l’Esclave .
2.2 Une telle représentation de la relation à autrui ne rend-elle pas inévitable le conflit ? Les inoubliables lignes de SARTRE sur le regard ne montrent –elles pas que le regard de l’autre , loin d’être rassurant est inquiétant . Autrui me regarde , il peut , d’un regard m’anéantir ou me faire honte . On dira qu’un regard est aussi bienveillant mais là n’est pas la question . En tant qu’autrui , par son regard me révèle ce que je suis, il me tient à sa portée . Je suis comme autrui me voit . Certes , il peut m’encourager : le regard bienveillant du pédagogue peut faire sortir les talents mais le maître blasé obtiendra aussi ce qu’il voit ! Je suis à sa merci et puisque j’ai « été enfant avant que d’être homme », mon être est largement constitué par le regard d’autrui posé sur moi . Cette puissance du regard c’est celle d’engendrer des êtres définis par l’altérité .
texte n°3
« Ce n’est jamais quand des yeux vous regardent qu’on peut les trouver beaux ou laids, qu’on peut remarquer leur couleur . Le regard d’autrui masque ses yeux , ils semblent aller devant eux (…) C’est que percevoir , c’est regarder, et saisir un regard n’est pas appréhender un objet-regard dans le monde(à moins que ce regard ne soit pas dirigé sur nous) , c’est prendre conscience d’être regardé . » SARTRE l’Etre et le Néant p 304-5
Conséquences :
Aliénation du dominé :
a) « Le juif est un homme que les autres hommes tiennent pour juif » .SARTRE Réflexions sur la question juive .
b) « On ne naît pas femme, on le devient. » S de BEAUVOIR , le deuxième sexe .
RQ :Le féminisme ne rend-il pas impossible l’amour en déclarant dès l’origine la guerre des sexes ? le romantisme ne sera-t-il pas suspect de n’être qu’un discours idéologique où la femme est tour à tour séductrice ou fragile , en tout cas au service de la domination masculine ? Il suffit de voir au fond ce que devient l’amour dans un monde où les cs s’affrontent jusque dans l’amour … Dès lors la question d’ARAGON n’est-elle pas passée de mode ?
Aliénation du dominant :
b) Le maître : l’impasse de l’identification : tout comme pour le Maître de la dialectique, la reification de l’autre me reifie . En amenant l’autre à se soumettre , à se faire chose, à avoir une essence de juif ou de femme , il s’est fait dans le même mouvement chose . S’il y a un Noir , un juif ou une femme , c’est parce qu’il y a un homme qui s’identifie lui-même à une essence : à une race , à un sexe ou à une religion . L’aliénation n’est rendue possible que parce que le dominant s’est refusé à lui-même la cs de soi qui est non-coincïdence à soi .
texte N° 6
Nous sommes en mesure, à présent, de le comprendre [l'antisémite]. C'est un homme qui a peur. Non des juifs, certes : de lui-même, de sa conscience, de sa liberté, de ses instincts, de ses responsabilités, de la solitude, du changement, de la société et du monde ; de tout sauf des juifs. C'est un lâche qui ne peut s'avouer sa lâcheté ; un assassin qui refoule et censure sa tendance au meurtre sans pouvoir la réfréner et qui, pourtant, n'ose tuer qu'en effigie ou dans l'anonymat d'une foule ; un mécontent qui n'ose se révolter de peur des conséquences de sa révolte. En adhérant à l'antisémitisme, il n'adopte pas simplement une opinion, il se choisit comme personne. Il choisit la permanence et l'impénétrabilité de la pierre, l'irresponsabilité totale du guerrier qui obéit à ses chefs, et il n'a pas de chef. Il choisit de ne rien acquérir, de ne rien mériter, mais que tout lui soit donné de naissance - et il n'est pas noble. Il choisit enfin que le Bien soit tout fait, hors de question, hors d'atteinte, il n'ose le regarder de peur d'être amené à le contester et à en chercher un autre. Le Juif n'est ici qu'un prétexte : ailleurs, on se servira du nègre, ailleurs du jaune. Son existence permet simplement à l'antisémite d'étouffer dans l'oeuf ses angoisses en se persuadant que sa place a toujours été marquée dans le monde, qu'elle l'attendait et qu'il a, de tradition, le droit de l'occuper. L'antisémitisme, en un mot, c'est la peur devant la condition humaine. L'antisémite est l'homme qui veut être roc impitoyable, torrent furieux, foudre dévastatrice : tout sauf un homme".
Jean-Paul Sartre réflexions sur la question juive (1943)
2.3 Et l’amour ? Ne nous permet-il pas d’échapper à une relation de maîtrise et de servitude avec autrui sans tomber dans l’aliénation ? Il n’en est rien et loin d’instaurer une rapport privilégié à autrui n’est-il qu’un cas grossissant de ce schéma et révèle les difficultés dans notre rapport aux autres .
:
Quel est le projet de l’amour ?
1 Nous ne voulons pas posséder un corps, nous voulons un esprit !
Si nous pouvions nous contenter de la possession du corps, on assimilerait le désir amoureux au besoin sexuel, le résultat limiterait fort la production littéraire ! Et, à, la limite le viol serait la finalité nécessaire et suffisante du projet de l'amour.
L'amour ne se contente pas du corps: " On n'aime pas une folle, sinon en tant qu'on l'a aimée avant sa folie" .
Lisons SARTRE :
« Cette notion de « propriété » par quoi on explique si souvent l’amour ne saurait être première, en effet. Pourquoi voudrai-je m’approprier autrui si ce n’est si ce n’était justement en tant qu’Autrui me fait être ? Mais cela implique justement un certain mode d’appropriation : c’est de la liberté de l’autre en tant que telle que nous voulons nous emparer. Et non par volonté de puissance : le tyran se moque de l’amour ; il se contente de la peur. S’il recherche l’amour de ses sujets c’est par politique et s’il trouve un moyen plus économique de les asservir, il l’adopte aussitôt. »
Désirer en effet c’est potentiellement nier, absorber en soi car le désir est souvent défini comme manque . Je désire mettre fin à ce manque . Mais si je crois mettre fin à ce manque en m’emparant d’autrui comme d’une chose, et notamment au travers de son corps, je suis déçue .
Je ne peux donc le désirer que si je ne le nie pas comme conscience ou comme liberté.
Toute la signification mais aussi toute la difficulté de l’amour viennent de là !
Nous ne voulons pas qu’autrui nous offre son corps mais qu’il nous reconnaisse dans notre amour. Autrement dit nous voulons être aimé en retour . Aimer c’est vouloir être aimé parce qu’autrui nous fait être , il nous donne notre identité, il semble même justifier mon existence .Si on m’aime, c’est que je suis , tel est le cogito amoureux !
2 Mais nous ne voulons pas posséder un esprit comme on possède une chose !
Nous voulons capturer une liberté comme liberté !
Texte
Il arrive qu'un asservissement total de l'être aimé tue l'amour de l'amant. Le but est dépassé : l'amant se retrouve seul si l'aimé s'est transformé en automate. Ainsi l'amant ne désire-t-il pas posséder l'aimé comme on possède une chose ; il réclame un type spécial d'appropriation. Il veut posséder une liberté comme liberté. Mais, d'autre part, il ne saurait se satisfaire de cette forme éminente de la liberté qu'est l'engagement libre et volontaire. Qui se contenterait d'un amour qui se donnerait comme pure fidélité à la foi jurée ? Qui donc accepterait de s'entendre dire : "je vous aime parce que je me suis librement engagé à vous aimer et que je ne veux pas me dédire ; je vous aime par fidélité à moi-même ?" Ainsi l'amant demande le serment et s'irrite du serment. Il veut être aimé par une liberté et réclame que cette liberté comme liberté ne soit plus libre. Il veut à la fois que la liberté de l'Autre se détermine elle-même à devenir amour - et cela, non point seulement au commencement de l'aventure mais à chaque instant -, et, à la fois, que cette liberté soit captivée par elle-même, qu'elle se retourne sur elle-même, comme dans la folie, comme dans le rêve, pour vouloir sa captivité. Et cette captivité doit être démission libre et enchaînée à la fois entre nos mains. Ce n'est pas le déterminisme passionnel que nous désirons chez autrui, dans l'amour, ni une liberté hors d'atteinte, mais c'est une liberté qui joue le déterminisme passionnel et qui se prend à son jeu.
SARTRE : L'Etre et le néant, Paris, Gallimard, 1943, pp. 416-417:
Résumons : L’amour est impossible et l’autre inquiétant !
L’amour se dégrade ou même se nie s’il est obtenue par violence (comme le tyran) ou par pur mécanisme passionnel ( Tristan et Yseut ) ou encore par obligation morale ( serment d’amour). Mais ceci implique que l’amour soit inquiétude et qu’une histoire d’amour non seulement finit mal en général mais commence par être impossible .
a) Inquiétant car si l’autre est une cs une liberté, je n’ai jamais aucune garantie, aucune preuve de son amour . Si j’en avais une, elle ne vaudrait que pour le moment présent . C’est peu sécurisant et c’est pour cela que nous sommes parfois tentés de nous réapproprier autrui comme une chose ! C’est le jalousie comme PROUST qui n’est tranquille que lorsqu’il la voit dormir et encore peut-elle est-elle en train de rêver à un autre . Ou HUGO, dans Notre Dame de Paris, Dom Claude Frollo préfère voir l’égyptienne morte plutôt qu’appartenir à un autre . Le jaloux veut posséder l’autre ! Plus souvent, on demande à l’autre : « tu m’aimes ? », comme si ces mots pouvaient nous le prouver .
Le jaloux ne pouvant avoir des preuves d’amour, car il n’y a pas de preuves d’amour , se résout à chercher des preuves de trahisons . L’autre comme liberté nous échappe et je ne peux le connaître totalement et surtout définitivement .
b) impossible : Mon amour se manifeste dans le désir de séduction or la séduction ou échoue ou…échoue même quand elle réussit ! Comme le suggère l’étymologie, la séduction est une violence , c’est amener à soi, détourner quelqu’un. C’est chercher à hypnotiser l’autre et lui faire qu’il oublie qu’il est cs et liberté ; Ou bien j’échoue à le séduire car il reste libre et sujet ; ou bien je parviens à le fasciner mais ma victoire est un échec car j’ai un être séduit pas une liberté. .
En réalité, l’amour est conflit parce qu’il vise l’autre dans sa liberté . Je ne suis donc jamais sûre de son amour, et être sûr de son amour tuerait l’amour . Je n’aime qu’à la condition que l’autre me reconnaisse mais cette reconnaissance ne compte que si elle n’est jamais acquise ! Paradoxe amoureux : j’exige que l’autre m’aime, mais s’il m’aime, il me déçoit par cet amour même !
Je veux être aimé librement , contradiction dans la mesure où une conscience qui aime n’est plus libre !
T° On le voit , nous sommes dans une impasse : l’affirmation de la co-existence des cs semblait rendre possible une relation à autrui susceptible de donner du sens aux mots du poète, on s’aperçoit que cela mène au conflit et en définitive même l’amour semble voué à l’échec, voire àl'impossibilité .
Sans toi, je ne suis rien mais avec toi ça peut être pire ! D’un côté si je me pense dans un acte de pure pensée, qui fait de moi un sujet , je ne rencontre autrui qu’à partir de moi-même et ne suis jamais sûr(e) de le rencontrer au-delà de l’humanité qu’il partage avec moi ( c’est un homme comme moi ) . De l’autre, je comprends que mon existence est intimement liée à celle d’autrui mais cela risque toujours de m’aliéner ou d’aliéner autrui , c’est-à-dire de l’objectiver rendant l’amour impossible .
Peut-on sortir de cette aporie ? Peut-on encore donner un sens à la question d’Aragon ou au mythe d’androgyne ?
Devons-nous renoncer à l’amour comme à un mythe périmé alors qu’il n’y a que la guerre de tous contre tous et que de toute façon « il ne durerait que 3 ans » ? Autrui peut-il me faire exister comme sujet , comme personne, sans pour autant m’aliéner , ou sans se détruire comme amour ? Pouvons-nous avoir l’union sans la tension ?
Comment instaurer une relation humaine harmonieuse pour que nous restions des sujets autonomes capables d’une ouverture à autrui ?
3 Comment dépasser le conflit sans renier la subjectivité d’autrui ?
3.1 La condition : le respect .
Je ne peux dépasser le risque inhérent au conflit des cs qu’ en posant l’identité des hommes comme cs , ce qui suppose que je me sois reconnu comme cs , c’est-à-dire tout autre chose qu’une chose . « je juge que ce sont bien des hommes comme moi », c’est sans doute la condition première !
En fait, pas de relation harmonieuse sans l’intervention de la morale .
Chez KANT, le sentiment moral, distinct de tous les autres sentiments, en ce qu’il ne provient pas de la sensibilité mais de la raison pratique, cad de l’obligation engendrée par la morale . Il s’oppose donc au désir qui désire consommer .
Texte N° 7
« Je ne puis refuser tout respect à l’homme vicieux lui-même, comme homme, car, en cette qualité du moins, il n’en peut être privé, quoiqu’il s’en rende indigne par sa conduite...
Là est le fondement du devoir de respecter les hommes, même dans l’usage logique de leur raison, ainsi on ne flétrira pas leurs erreurs sous le nom d’absurdités, de jugements ineptes etc. Mais on supposera plutôt qu’il doit y avoir dans leurs opinions quelque chose de vrai et on l’y cherchera. En même temps aussi, on s’appliquera à découvrir l’apparence qui les trompe (le principe subjectif des raisons déterminantes de leurs jugements, qu’ils prennent par mégarde pour quelque chose d’objectif) et, en expliquant ainsi la possibilité de leurs erreurs, on saura garder encore un certain respect pour leur intelligence. Si au contraire, on refuse toute intelligence à son adversaire, en traitant ses jugements d’absurdes ou d’ineptes, comment veut-on lui faire comprendre qu’il s’est trompé ? Il en est de même des reproches à l’endroit du vice : il ne faut pas les pousser jusqu’à mépriser absolument l’homme vicieux, et à lui refuser toute valeur morale, car dans cette hypothèse, il ne saurait donc plus jamais devenir meilleur, ce qui ne s’accorde point avec l’idée de l’homme, lequel, à ce titre (comme être moral), ne peut jamais perdre toutes ses dispositions pour le bien »
Emmanuel Kant. Métaphysique des mœurs : Deuxième partie : Doctrine de la vertu.1797 (Vrin p.141)
Le respect s’adresse à l’homme , en tant qu’homme, c’est-à-dire en tant que l’homme est porteur d’une raison universelle dont l’usage est aussi bien pratique que théorique . L’Humanité est en moi plus grande que moi , quels que soient mes propos ou mes actes . C’est ma dignité qui mérite ou appelle le respect .
Chez KANT, le sentiment moral, distinct de tous les autres sentiments, en ce qu’il ne provient pas de la sensibilité mais de la raison pratique, cad de l’obligation engendrée par la morale . Il s’oppose donc au désir qui désire consommer .
Il y a donc lieu dans un premier temps de les opposer car leur source sont bien différentes , la raison d'un côté, l'affectif de l'autre.Faut-il alors ou respecter ou aimer ? L'amour est-il condamné par la raison en raison de son irrationnalité, pourquoi l'un plutôt que l'autre, et de l'importance du corps pour un être qui se veut esprit .
Sont-ils indépendants ? Si je peux respecter sans aimer, puis-je prétendre que j'aime si je ne respecte pas ? Le respect n'est-il pas la condition nécessaire de l'amour ? Si c'est quelqu'un que j'aime et pas une chose, si c'est "toi" que j'aime et pas l'humanité en général . La difficulté qui persiste, une fois que l’on reconnaît la nécessité du respect , c’est l’originalité de l’amour . Le respect est rationnel , il s’adresse à l’autre en tant qu’il est porteur d’une raison . Or il y a dans l’amour une autre dimension qui échappe à la raison, car ce n’est pas l’homme en général que j’aime c’est « toi » en espérant, d’ailleurs, que tu m’aimes « moi » . Cette dimension qui échappe à la raison menace-t-elle ultimement l’harmonie que nous espérons ?
3.2 Comment le respect se marque -t-il dans l'amour ?
En réalité, il faudrait distinguer plusieurs formes d'amour . Les grecs disposaient de termes différents pour parler de l'amour .
Eros, que l'on traduit pas désir, est équivoque, il est aspiration à la fusion avec l'autre, comme nous le raconte Aristophane, mais il est aussi ce qui nous condamne à ne jamais pleinement nous satisfaire de ce que nous avons trouvé . Si on désire ce qu'on n'a pas, on n'a jamais ce qu'on désire . Tel est la tragédie du désir qui désire ce qu'il n'a pas et ne peut donc jamais se satisfaire de ce qu'il a . Eros est alors beaucoup plus souffrance que joie et épanouissement ! Cet Eros n'est pas en tout cas ce qui permet la joie, il est amour captatif
b) L’amitié comme amour raisonnable quoique singulier . Philia Dans l ‘amitié il y a amour mais un amour qui n’est pas sexualisé . La condition de l’amitié , c’est l’égalité . Ce qui la maintient c’est le dialogue et même la recherche de la vérité .Ce n’est pas face book avec 450 amis
« Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu'accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s'entretiennent. En l'amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l'une en l'autre, d'un mélange si universel qu'elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en répondant : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi
Montaigne .Essais ; Livre 1 ch XXVIII
PB : Est-ce que le respect n’est pas superflu dans l’amour ? Celui qui aime , ne respecte-t-il pas par avance ?
En effet, la difficulté qui persiste, une fois que l’on reconnaît la nécessité du respect , c’est l’originalité de l’amour . Le respect est rationnel , il s’adresse à l’autre en tant qu’il est porteur d’une raison . Or il y a dans l’amour une autre dimension qui échappe à la raison , car ce n’est pas l’homme en général que j’aime c’est « toi » en espérant, d’ailleurs, que tu m’aimes « moi » . Cette dimension qui échappe à la raison menace-t-elle ultimement l’harmonie que nous espérons ? L’amour est –il si raisonnable ?
Le philosophe a-t-il à dire quelque chose sur cette forme d'amour qui se distingue de l'amitié par son caractère encore moi
Comment le philosophe parle –t-il de l’amour ?
voir : http://www.dailymotion.com/video/xz085h_qu-est-ce-qu-aimer-philippe-fontaine_school
a) le paradoxe de l’amour : la plus grande affaire de la vie, la moins intelligible, la plus rétive à l’investigation rationnelle ! Peut-on au moins savoir pourquoi, à défaut de résoudre le paradoxe ?
b) pourquoi ?
Parce que notre amour est objectivement contingent et nous apparaît subjectivement nécessaire !
Objectivement contingent : pas de raison suffisante pour notre amour !
Il n’y a pas de raison d’aimer telle ou telle personne. Dans l’amour, règne le plus grand arbitraire . Ce n’est pas parce qu’une femme est bouleversante que nous l’aimons, mais c’est parce que nous l’aimons qu’elle est bouleversante . La preuve c’est que les autres n’en sont pas bouleversés !
D’ailleurs, un singe préfèrerait une guenon ! Il n’y a qu’un choix objectivement arbitraire !
A l’inverse, certains ont objectivement 1000 qualités mais nous ne les aimons pas pour cela !
(Croire comme PASCAL ou comme il feint de le croire, qu’il nous faut des raisons d’aimer est faux.)
A la limite, d’ailleurs, pas plus que la connaissance que nous pourrions avoir de l’être aimé ne suffit à justifier un amour, pas plus cette connaissance ne suffirait à nous empêcher d’aimer ! « L’amour est enfant de bohême » : il n’a pas de lois, pas de règles, se méfie de la raison et des conventions !
Tel n’est pas pourtant le vécu de la conscience amoureuse !
Subjectivement nécessaire :
La personne que nous aimons est unique, irremplaçable . Nous ne pouvons pas concevoir la vie sans elle ou sans lui ! C’est le moi d’autrui que nous aimons . Or son identité est comme la mienne sans doute : différente, unique.
C’est le destin, la fatalité , d’où les mythes d’un envoûtement, d’un filtre par lequel nous ne pouvons rien faire . cf la passion . Nous pouvons exprimer d’ailleurs ce sentiment par l’incapacité d’expliquer rationnellement cette passion :
« Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu'accointances et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité, par le moyen de laquelle nos âmes s'entretiennent. En l'amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l'une en l'autre, d'un mélange si universel qu'elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l'aimais, je sens que cela ne se peut exprimer, qu'en répondant : « Parce que c'était lui, parce que c'était moi
Montaigne .Essais ; Livre 1 ch XXVIII
MONTAIGNE exprime ici cette nécessité qui échappe à une explication objective et communicable. Ou LA BRUYERE : « l’amour commence par l’amour » et naît adulte comme Athéna. L’amour est causa sui, il n’a pas de cause externe, il se suffit à lui-même.
De façon plus contemporaine, nous tentons parfois de nous justifier, par ce qu’on appelle une « rationalisation secondaire » FREUD ou bien nous transformons les défauts en qualités , c’est l’un des aspects de la cristallisation dont parle STENDHAL. C’est précisément parce que nous refusons cette contingence que nous parons la femme aimée de vertus ( cachées aux autres…).
Comment penser cette contradiction ? Quel est le point de vue le plus juste ?
Faut-il admettre le primat de la contingence et faire du vécu de conscience une illusion forgée par nos désirs égoïstes, nos intérêts et en dernier lieu, par la nature pour nous amener à accomplir, par ruse, l’acte génésique dans le but parfaitement objectif de perpétuer l’espèce ?
Ainsi faire la cour ne serait qu’une façon plus acceptable de perpétuer le rapt et le viol.
Le vécu de conscience , le sentiment amoureux ne serait-il pas alors un épiphénomène secondaire lié simplement à la nature complexe de notre être social ?
Cette façon d’envisager les choses correspond assez bien à la démarche positiviste , scientifique et désenchantée qui tend à ramener le complexe au simple et le supérieur à l’inférieur , ici, les sentiments à des processus mentaux conditionnés par les lois de la nature .
Mais si l’amour était en fin de compte la masque que prend la nature pour nous imposer la reproduction, ne suffirait-il pas d’avoir des enfants pour être comblé en amour ? La possession physique de l’ « aimé », cad de celui qui nous correspond génétiquement, ne suffirait-elle pas à satisfaire notre demande ?
Ramener le complexe au simple, réduire le vécu de la conscience à une ruse de la nature, n’est-ce pas ici renoncer à comprendre l’homme en tant que c’est « le seul animal capable d’amour » M.M PONTY.
« L’amour n’est pas du corps seulement puisqu’il vise quelqu’un et il n’est pas de l’esprit seulement puisqu’il le vise dans son corps. » M.M PONTY Eloge de la philosophie .
L’amour a une signification métaphysique, toute lecture dit encore MMPONTY purement positiviste, mécaniste, physiologique rate son essence :
« La pudeur, le désir , l’amour ont une signification métaphysique, c’est-à-dire qu’ils sont incompréhensibles si l’on traite l’homme comme une machine gouvernée par des lois naturelles, ou même comme un « faisceau d’instincts », et qu’ils concernent l’homme comme conscience et comme liberté. »
la pudeur manifeste que l’homme proteste contre toute tentative de se voir réduit à son corps.
Voir quelqu’un nu nous invite à ne le voir que comme chose .
(Ce que les mythes d’ailleurs ont compris depuis longtemps le mythe d’androgyne cf lecture et le film d'animation sur YOU TUBE de JF Balmer : le sexe n’est pas naturel mais un accident tragique ! le sentiment que l’autre est unique , que c’est une partie de moi-même, que l’on ne veut faire qu’un avec lui à jamais , n’est nullement contenu dans la mécanique corporelle. Le désir humain excède l’instinct génésique ; ARISTOPHANE distingue Eros et le sexe et montre qu’il n’y a d’érotisme que pour l’homme.
C’est ZEUS qui va lier Eros et le « sexe » pour éviter l’extinction de la race . Mais cela veut dire aussi que le sexe associé à Eros est un désir d’immortalité , il débouche sur l’enfantement .
Le mythe nous dit que l’amour est d’abord d’ordre métaphysique avant d’être physique ! Ce que nous recherchons chez l’autre ce n’est pas tant la satisfaction sexuelle que ce qu’elle signifie : la plénitude de notre être dans la fusion du couple .)
le mythe d’androgyne cf JF Balmer le sexe n’est pas naturel mais un accident tragique ! le sentiment que l’autre est unique , que c’est une partie de moi-même, que l’on ne veut faire qu’un avec lui à jamais , n’est nullement contenu dans la mécanique corporelle. Le désir humain excède l’instinct génésique ; ARISTOPHANE distingue Eros et le sexe et montre qu’il n’y a d’érotisme que pour l’homme.
« Le sentiment que l’autre est une partie de moi-même, que l’on ne veut faire qu’un avec lui à jamais , n’est nullement contenu dans la mécanique corporelle . » A.BLOOM l’érotique est une mystique
C’est ZEUS qui va lier Eros et le « sexe » pour éviter l’extinction de la race . Mais cela veut dire aussi que le sexe associé à Eros est un désir d’immortalité , il débouche sur l’enfantement .
Le mythe nous dit que l’amour est d’abord d’ordre métaphysique avant d’être physique ! Ce que nous recherchons chez l’autre ce n’est pas tant la satisfaction sexuelle que ce qu’elle signifie : la plénitude de notre être dans la fusion du couple .
Le philosophe n’est-il pas dépassé au XXI ème siècle ?
On peut reprocher au mythe de l’androgyne de na pas répondre tout à fait à notre désir de nous poser comme des sujets autonomes . Si je me fonds dans autrui et autrui en moi : il n’y a pas deux sujets mais un seul être : un couple inséparable sauf par les dieux .
Or nous sommes dans des sociétés bien éloignées de cette représentation : nous voulons affirmer avec force notre liberté et notre indépendance .
Mais si je veux rester sujet , je vais de refuser de me perdre dans le risque que constitue l’amour (Eros) et c’est pourquoi , nos sociétés individualistes commencent à s’interroger sur la possibilité même du couple . Dans nos sociétés individualistes et désenchantées (on réduit Eros au sexe ce qui fait qu’il ne dure que 3 ans ) ne reste que le « sexe » qui nous rattache non pas tant à l’animalité qu’à une gymnastique plus ou moins technique d’où l’on sort plus seul que jamais . Dès lors , la question toujours revient : « Que serais-je sans toi ? » n’est-ce pas qu’une question chimérique pour ceux qui en sont encore au mythe mais qui ne correspond plus à la réalité de nos sociétés rationalistes et désenchantées ? Le couple, le moi commun , peut-il se maintenir si chacun possède un moi différent ?
Faut-il renoncer à Eros ou le réapprendre ?
Parce que l’amour n’est pas le sexe ! Parce que l’être humain est un être de culture , pas un être naturel .cf Rousseau ce n’est pas d’une éducation sexuelle dont on a besoin ! décalage entre la maturité physiologique et l’immaturité social et affective de l’adolescent . Un Eros moderne , un peu désabusé mais pas désespéré doit s’éduquer à l’amour et non au sexe (ce dernier ne requérant pas un long apprentissage) alors que le premier s’est perdu avec le règne de l’individu . Ce sont des centres d’éducation à l’amour qu’il faut ouvrir ! Des centres où l’on apprendrait à « être deux » ! Théoriquement cette éducation se fait par l’exemple mais comme chacun sait , c’est aujourd’hui tout le problème ! Comment s’éduquer à l’amour ? En en apprenant le langage !
a) la caresse : elle est langage , elle est signe d’un sens et en ce sens elle possède une équivocité . Elle peut vouloir signifier le prélude d’un désir d’emprise mais aussi elle peut apparaître comme l’expression emblématique de la recherche d’un désir de non –possession . Je te caresse parce que je sais que par définition tu m’échapperas toujours , tu es au-delà de toute prise .
« le sexe » ne caresse pas il veut posséder . La caresse exprime l’unité à jamais perdue et toujours souhaitée . l’étreinte, l’enlacement
Il n’aime pas engendrer d’ailleurs cf la pornographie c’est le sexe sans Eros dissocié en plus de son pouvoir d’enfantement
b) le langage de l’amour et l’amour du langage Eros a besoin de parler , le « sexe » est muet . L’amour a besoin de l’imagination , il a besoin de chanter et de célébrer pour ne pas sombrer dans la trivialité du besoin sexuel ou pour transcender le besoin sexuel . L’amour a besoin de se dire et de se déclarer , de se raconter . Il faut lire des romans et aller au cinéma …pour comprendre l’amour . « La princesse de Clèves » nous en dit plus sur l’amour et sur nous-mêmes que n’importe quel ouvrage de sexologie.
Eros désabusé mais pas désespéré doit donc réunir le respect, l’amitié , le dialogue , et l’imagination c’est à ce prix que les amoureux peuvent espérer former un couple , cad créer une relation vraiment harmonieuse en associant Eros et le sexe comme le préconise depuis toujours le mariage d’amour !
c) Agape .
Si nous disons qu’il n’y a pas d’amour sans respect c’est parce qu’il faut distinguer le désir amoureux de l’amour . Le désir amoureux est plus narcissique et autiste qu’altruiste . Il ne dure souvent qu’aussi longtemps que dure la cristallisation et le travail de l’imagination . Le fait que je respecte en l’autre sa subjectivité , son humanité, sa différence : c’est à ce prix que l'amour est humain !
Mais aimer, c’est aimer l’autre tel qu’il est non tel qu’on l’idéalise . Le désir est manque et si on désire ce qu’on n’a pas on n’a jamais ce qu’on désire, il est marqué du sceau de l’éphémère et de la jalousie. On dit que le temps est le grand ennemi de l’amour . En fait, c’est du désir amoureux en tant qu’il se distingue de l’amour. L’amour véritable dure non pas malgré le temps mais au travers du temps . Dire je t’aime maintenant mais demain je ne suis pas sûre, c’est envisager la fin de l’amour, c’est un amour bien tiède et déjà mort (cf le mariage à l’essai )
« Aimer quelqu’un c’est jurer et affirmer plus qu’on ne sait sur ce qu’il sera » ALAIN.
L’amour oblatif est l’amour qui dépasse l’amour captatif ou narcissique et c’est lui que le temps n’atteint pas et qui ne peut envisager en effet sa mort ni être jaloux . L’amour oblatif est don de soi .
Et si en fait la mort de l’amour survient, car l’amour oblatif est plus un idéal qu’une réalité, et la contingence peut reprendre ses droits, si la promesse n’est pas tenue on en retire pas forcément du cynisme ou de l’amertume mais la conscience que l’autre n’est pas ma chose et que je ne peux le connaître exhaustivement, ni aimer sans faire confiance et sans générosité.
réunir le eros, philia et agape n'est-ce pas la vocation même du mariage d'amour ?
Et si l'éthique précède l'amour, il est vrai aussi que ce dernier le dépasse et l'englobe
Conclusion :
A la question de savoir si mon être, mon existence dépend d’autrui nous ne pouvons que répondre par l’affirmative .
Pourtant une telle affirmation relève dans nos sociétés modernes individualistes d’une gageure . L’individu est égoïste ,
Il préfère se passer d’autrui dès qu’il le peut ou se contente de surfer en solitaire . Dans de telles circonstances, la solidarité mais a fortiori l’amitié et l’amour sont inouïs car « dans cet enfer moderne , l’homme ne sait plus ce que c’est qu’être deux ».
Il se veut indépendant tandis que le sexe ou l’amour captatif est dépendance , aussi pense-t-il se libérer de sa dépendance en assouvissant sans limite un désir solitaire . L’amour véritable oblige , nous lie à l’autre , il est forcément respect de la personne en toi et en moi.
« Que serais-je sans toi ? » : Nous nous demandions au début si une telle expression est celle de la passion ou de la raison, force est de constater que le poète a toujours raison .