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15 mai 2016 7 15 /05 /mai /2016 21:19

 

 

 

Nicolas Malebranche

1638-1715 

 

"L'attention est une prière naturelle par laquelle nous obtenons que la raison nous éclaire.  "

 

 

TEXTE :

 

« Je vois, par exemple, que deux fois deux font quatre, et qu'il faut préférer son ami à son chien ; et je suis certain qu'il n'y a point d'homme au monde qui ne le puisse voir aussi bien que moi. Or je ne vois point ces vérités dans l'esprit des autres, comme les autres ne les voient point dans le mien. Il est donc nécessaire qu'il y ait une Raison universelle qui m'éclaire, et tout ce qu'il y a d'intelligences. Car si la raison que je consulte, n'était pas la même qui répond aux Chinois, il est évident que je ne pourrais pas être aussi assuré que je le suis, que les Chinois voient les mêmes vérités que je vois. Ainsi la raison que nous consultons quand nous rentrons dans nous-mêmes, est une raison universelle. Je dis : quand nous rentrons dans nous-mêmes, car je ne parle pas ici de la raison que suit un homme passionné. Lorsqu'un homme préfère la vie de son cheval à celle de son cocher, il a ses raisons, mais ce sont des raisons particulières dont tout homme raisonnable a horreur. Ce sont des raisons qui dans le fond ne sont pas raisonnables, parce qu'elles ne sont pas conformes à la souveraine raison, ou à la raison universelle que tous les hommes consultent. »

Malebranche, Recherche de la vérité,1678

 

 

RQ : texte très classique, facile en apparence mais dont l'épaisseur échappe aux élèves, la dimension démonstrative est rarement vue. Les copies passent si vite sur le verbe voir ,sur  la "préférence" , ou encore sur la  nécessité de "rentrer en soi -même" . La raison ne nous transforme pas en "robots" comme j'ai pu le voir  car Malebranche dit bien qu'il dépend de nous de la choisir ou pas . 

 

 

Explication :

 

 

« A chacun sa vérité », dit l’opinion commune . Dans ce texte, Malebranche ne va pas essayer de convaincre les sceptiques mais va, au contraire, partir du fait des vérités universelles pour chercher ce qui les rend possibles . L’existence incontestable de vérités universelles rend nécessaire d’admettre une « Raison universelle » qui « éclaire » toutes « les intelligences » . Telle est la thèse que soutient Malebranche .

Le problème sera donc de savoir si la « Raison » est réellement universelle du fait que bien des hommes ne semblent pas avoir la même car ils ne s’accordent pas sur les mêmes vérités . L’enjeu est immense puisque si la raison n’est pas universelle, notamment en ce qui concerne les vérités morales, alors on ne peut plus parler d’une humanité commune mais de plusieurs tandis que si elle est universelle, alors on peut expliquer, paradoxalement, que certains ne la suivent pas et c’est ce que se propose d’expliquer Malebranche .

Dans un premier moment, Malebranche démontre l’existence de la «Raison universelle » à partir de l’existence des vérités partagées l1 à l5 . Puis, il démontre à nouveau mais par l’absurde ce qui vient d’être établi l5 à l8 . Enfin, il prévient une objection devant le fait paradoxal que si tous les hommes ont une raison, elle n’éclaire pas ceux qui ne rentrent pas en eux-mêmes mais que la passion obscurcit .Ce texte est un raisonnement qui part du fait des vérités universelles, de quel droit elles existent et comment il se fait que tous ne la suivent pas bien qu’elle soit en fait et en droit, universelle.

 

 

Explication :

Le philosophe commence par dire « je vois » et ce terme est loin d’être pris au hasard puisqu’il est répété plusieurs fois ainsi que des mots se trouvant dans le même régistre : ( « évidence », « éclaire » . Dire qu’il voit que deux et deux font quatre ne renvoie pas à une évidence sensible mais à une évidence pour l’esprit . Il s’agit ici d’une vérité mathématique donc une vérité théorique et non d’une vérité d’expérience dont on pourrait ne pas être sûr .

La plus surprenant c’est qu’il affirme qu’une même évidence s’impose relativement à des vérités morales, même si cette « évidence » semble atténuée par le fait d’une simple « préférence ».

Il serait évident qu’ « il faut préférer son ami à son chien » sous -entend, contrairement aux vérités théoriques qu’on ne peut pas « préférer » à d’autres, que dans le domaine moral, l’évidence implique malgré tout un choix . Tout se passe au fond comme s’il était possible que l’hésitation fût prise en compte, et qu’on pût préférer son chien à son ami, mais qu’au final, la reconnaissance de la dignité de l’homme, sans doute du fait qu’il possède une raison, l’emportât. Ainsi préférer l’homme à son chien semble pour Malebranche relever de l’évidence .

Compte tenu de ce qu’on pourrait appeler des faits, le fait de voir cette vérité, le fait de voir cette préférence, c’est-à-dire le fait que ces vérités ne sont pas le résultat d’une invention personnelle, puisque je « les vois » justement, engendre la certitude subjective : « je suis certain » que ces vérités sont visibles par les autres .

Nous sommes donc face à deux affirmations : l’évidence « objective » de la nature de ces vérités et la certitude « subjective » qu’elles sont partagées par tous. Mais quelle est la nature de cette « vision » ou de cette évidence ? Ici commence le raisonnement déductif : Cette évidence, paradoxalement, n’est pas visible extérieurement ou matériellement : « je ne vois point ces vérités dans l’esprit des autres » . Cette phrase signifie que ces vérités ne sont pas des choses matérielles mais des jugements que l’on forme dans l’intériorité de sa conscience .

Ainsi, l’évidence des vérités pour moi, la certitude que les autres les ont aussi et le caractère invisible des pensées d’autrui impliquent qu’il y a en l’homme quelque chose qui nous donne ces évidences à la fois subjectives ( c’est en nous) et universelles (partagées par tous). Ce quelque chose, Malebranche l’appelle « Raison universelle » et il l’assimile à une lumière qui nous « éclaire ». la Raison est donc une lumière intérieure dont toutes les intelligences disposent ce qui incluent les esprits ou les anges , s’ils existent, mais excluent les bêtes.

Il faut remarquer la majuscule qui indique l’identité de cette raison par delà la diversité des hommes .

 

Cette démonstration ne suffit-elle pas?

 

 

A priori, non, puisque Malebranche va entreprendre une nouvelle démonstration, celle qui consiste à démontrer par l’absurde . Il va partir non pas des évidences mais de ce qui les conditionne, à savoir la Raison universelle . Admettons qu’elle n’existe pas, que se passerait-il alors ? La raison qu’alors je consulterais ne serait pas universelle mais particulière aux Français, voire purement singulière et ainsi l’évidence porterait sur l’absence de certitude que les Chinois « voient les mêmes choses que moi » . Du fait que la raison ne serait pas la même, les vérités ne seraient plus partagées . Les Chinois, disposant par hypothèse d’une raison chinoise, je n’aurais plus l’assurance qu’ils voient, comme moi, que deux et deux font quatre et qu’il faut préférer son ami à son chien, ce qui est effectivement absurde et faux . Malebranche conclut sa deuxième démonstration en précisant ce qu’il faut entendre par le fait que « je ne vois point ces vérités » . Que signifie que ces vérités qui sont dans l’esprit de tous les hommes sont pourtant invisibles ? La Raison, pas plus que les vérités évidentes n’est une chose matérielle, elle est plutôt ce qui n’advient que par un effort d’intériorité . Il faut rentrer en soi même pour accéder à la raison universelle . Les yeux que cette " Raison universelle" "éclaire" ne sont pas les yeux du corps mais les yeux de l'esprit comme eût également dit Platon . Cette affirmation n’est pas sans paradoxe car elle signifie que ce qui nous est le plus intime est aussi ce qui est le plus universel . Mais une intelligence incapable de rentrer en soi est une intelligence dispersée ou distraite qui se laisse influencer par les sensations extérieures . Cette affirmation est capitale, elle permet de comprendre que si la raison est universelle, elle peut pourtant, accidentellement, ne pas se trouver chez tous les hommes . C’est ce qu’il va montrer dans une dernière partie en précisant le sens du mot raison .

 

Comment comprendre que tous les hommes ne suivent pas la raison puisqu’elle est universelle ?

 

 

 

Il devance ici une objection concernant le fait que tous les hommes ne suivent pas la raison. Ils ne savent pas rentrer en eux-mêmes, c’est-à-dire faire taire toutes les impressions, émotions, sensations, pensées venues du dehors ou du dedans et qui nuisent à la réflexion.

Un homme passionné est donc un homme tout en extériorité qui comme le suggère l’étymologie, subit des impressions ou des sentiments du fait de l’union de son âme avec le corps . Il ne faut donc pas confondre la raison égarée que suit un homme passionné avec celle de l’homme raisonnable . Est passionné, donc égaré, l’homme qui préfère la vie de son cheval à celle de son cocher c’est-à-dire qui ne surmonte pas son affection pour son animal à la dignité de l’homme, quel qu’il soit, même un serviteur qui socialement inférieur ne fait quasiment pas partie du monde de l’aristocrate. Malebranche ne reprend ici que l’exemple moral et non l’exemple des mathématiques, sans doute parce qu’un homme qui nierait que deux et deux fassent quatre ne serait pas seulement passionné mais réellement fou, de sorte qu’il n’est même pas la peine d’en parler . En effet, dès qu’on applique son attention, on ne peut commettre l’erreur devant une telle évidence . Les objets mathématiques ne sont pas l’objet d’un choix mais s’imposent à l’esprit dès qu’il est attentif tandis que les « préférences » morales sont plus équivoques et relève d’un usage de la raison plus complexe.

S’il est impossible de dire que deux et deux font cinq, il n’est pas impossible de préférer la vie de son cheval à celle de son cocher . Et en quoi cela ne pourrait-il pas être raisonnable ?

Parce que, dit Malebranche, il a ses raisons . Il faut remarquer le pluriel qui change le sens du mot raison . Ses raisons désignent alors ses intérêts, ses désirs . Autrement dit , l’homme passionné est incapable d’accéder à l’universel, incapable de s’arracher à ses centres d’intérêts immédiats tandis que l’homme raisonnable est au contraire capable en rentrant en soi-même de s’y arracher et d’abandonner ce qui fait obstacle à la réflexion désintéressée et objective . L’homme raisonnable, c’est l’homme qui fait de la raison sa vocation et qui comprend que cette vocation résulte d’un effort sur soi pour surmonter ses centres d’intérêts immédiats . Les raisons particulières sont des raisons particulières, c’est-à-dire personnelles au sens d’injustifiables comme des goûts purement subjectifs indémontrables . L’homme raisonnable ne peut que se détourner de ce qui apparaît comme foncièrement égoïste .

Il ne faut donc pas confondre la raison qui nous permet d’accéder à l’universel avec les raisons qui nous enferment sur nous-mêmes . Et si Malebranche n’a pas utilisé d’exemple théorique, ce n’est pas seulement parce que c’est impossible de nier l’évidence mais aussi parce que l’usage moral de la raison est sans doute l’usage essentiel qui nous rend humain vis à vis d’autrui . C’est dans l’usage moral que la raison se révèle fondamentale et peut constituer des normes pour l’action : je n’ai pas besoin de connaître un homme, de l’aimer, pour le respecter et le « préférer » à tout autre choix puisque je peux savoir que mon choix est moralement raisonnable si je le fais alors même que je n’y gagne rien .

 

 

 

Conclusion :

Dans ce texte, Malebranche affirme le caractère universel de la raison et justifie par la même l’entreprise philosophique dans son ambition de parler pour tout homme raisonnable . Le problème auquel s’est confronté l’auteur était de savoir comment ,si la raison est universelle, certains hommes puissent ne pas la suivre . Ainsi la passion est-elle apparue comme un obstacle majeur mais non insurmontable pour tenter de suivre la raison . Il faut remarquer d’ailleurs que dans le mouvement du texte Malebranche est passé de l’affirmation de l’existence de la raison universelle comme « lumière » à la nécessité que cette lumière n’éclairent que ceux qui veulent la suivre . La « Raison universelle » n’est donc pas une puissance qui s’impose sans le consentement et la participation des hommes . La nécessité de ce qui est rationnel et a fortiori raisonnable n’exclut pas la liberté et le choix . On peut toujours faire le choix de l'obscurité de "la caverne" .

Dans ce passage, Malebranche veut démontrer la nécessité d’admettre une raison universelle pour expliquer l’existence des vérités partagées . Si la démonstration qu’il fournit est valide sur le plan théorique, il n’en demeure pas moins que l’on pourrait se demander si, sur le plan moral, seule la passion explique la divergence des points de vue. Les Chinois, ne pourraient –ils pas « préférer la vie de leur cheval à celle de leur cocher » sans qu’on les accuse d’avoir des raisons particulières ? Autrement dit, la raison peut-elle sur le plan moral, notamment, être universellement valide ? La reconnaissance de la diversité des cultures et des moeurs ruine –t-elle la portée du texte de Malebranche ? Ne pourrait-on pas accepter qu’il y ait d’autres bonnes raisons de préférer la vie de son cheval ? Le relativisme des valeurs ne peut-il avoir raison de Malebranche ? L’objection est sérieuse mais la raison peut –elle vraiment accepter le caractère contingent de la dignité de l’homme ? Force est de reconnaître que le renoncement à la raison en matière de moral n’est pas sans faire horreur

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15 mai 2016 7 15 /05 /mai /2016 20:52

 

Rosace de poisson ballon ( Tétraodontidé )  que l'on pourrait renommer poisson leibnizien !

 

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« Ainsi, ce qui passe pour extraordinaire, ne l'est qu'à l'égard de quelque ordre particulier établi parmi les créatures. Car, quant à l'ordre universel, tout y est conforme. Ce qui est si vrai que, non seulement rien n'arrive dans le monde qui soit absolument irrégulier, mais on ne saurait même rien feindre de tel. Car supposons, par exemple, que quelqu'un fasse quantité de points sur le papier à tout hasard comme font ceux qui exercent l'art ridicule de la géomancie. Je dis qu'il est possible de trouver une ligne géométrique dont la notion soit constante et uniforme suivant une certaine règle, en sorte que cette ligne passe par tous ces points, et dans le même ordre que la main les avait marqués. Et si quelqu'un traçait tout d'une suite une ligne qui serait tantôt droite, tantôt cercle, tantôt d'une autre nature, il est possible de trouver une notion, ou règle, ou équation commune à tous les points de cette ligne, en vertu de laquelle ces mêmes changements doivent arriver. Et il n'y a, par exemple, point de visage dont le contour ne fasse partie d'une ligne géométrique et ne puisse être tracé tout d'un trait par un certain mouvement réglé. Mais quand une règle est fort composée, ce qui lui est conforme passe pour irrégulier.

LEIBNIZ, discours de métaphysique

 

 

RQ Texte qui peut se lire à différents niveaux et,  bien sûr,  si on connaît le calcul infinitésimal, c'est mieux ! Mais je ne saurais attendre de mes élèves ce que je ne leur ai pas enseigné et ce que je ne pense pas être en mesure de faire  ! Mais on peut comprendre le sens de la démarche leibnizienne .

Bonne surprise  sur les copies de TS , c'est plutôt encourageant .

 

 

 

Introduction :

Le monde est plein de mystères et de choses extraordinaires pour l’homme ordinaire . Dans ce texte, il est question du rapport entre la raison et le réel . LEIBNIZ se demande pourquoi les hommes pensent qu’il y a des phénomènes « extraordinaires ». Sa thèse consiste à dire que cette pensée n’est qu’une illusion qui résulte d’une vision partielle de « l’ordre universel » qui ne saurait être livré au hasard ou au désordre . ( thème et thèse)

Le problème abordé par ce texte est très complexe puisqu’il présuppose, premièrement, que le réel est rationnel, que, deuxièmement, l’homme, plus exactement le géomètre, peut connaître cet « ordre universel » qui dépasse l’homme ordinaire. Aussi, le problème sera-t-il de savoir si d’une part le réel est rationnel et si , d’autre part, l’homme, même géomètre, est capable de connaître cet ordre en perçant pour ainsi dire les mystères de l’univers en ramenant l’inconnu au connu, et plus précisément au mesurable .L’enjeu serait de savoir si l’homme peut rendre raison de tout par le calcul . Si oui, qu’en est-il de la liberté ? (Problème et enjeu)

Dans un premier moment, LEIBNIZ établit sa thèse et ce qui la fonde : l’extraordinaire du point de vue des « créatures », est « ordinaire » du point de vue de « l’ordre universel » ( l 1 à l 4) .Puis, dans un deuxième moment, LEIBNIZ va donner trois exemples de sa thèse (l4 à l 13) l’exemple de la géomancie, l’exemple de la droite, enfin l’exemple du visage : tous ces exemples illustrent différemment l’idée selon laquelle toute pensée, toute réalité, obéissent à une règle et ne sauraient résulter du hasard . Enfin, le philosophe est en mesure de confirmer sa thèse : la complexité d’une règle peut apparaître à l’ignorant comme de l’absence de règle . ( plan : ce qu’il fait et ce qu’il dit : les 2 !)

 

 

 

Explication :

Le texte commence par un mot qui dresse un bilan « Ainsi », on peut supposer qu’il conclut une démonstration préalable qu’il poursuit dans notre fragment . Il dénonce une illusion consistant à croire qu’il y a des phénomènes « extraordinaires ». Les phénomènes extraordinaires sont ceux que l’on n’a pas l’habitude d’observer : une éclipse solaire ou lunaire, une pluie de météorites, un tremblement de terre, donc au sens strict, extra-ordinaires. Mais il se peut aussi que LEIBNIZ pense aux miracles qui sont appelés ainsi parce qu’ils « transgressent » les lois de la nature et que de plus ils sont uniques . On parle de miracle lors qu’un aveugle se met à voir ou qu’un homme se remet à marcher . Il semble alors que plus encore que les phénomènes célestes ces évènements soient considérés comme mystérieux, c’est-à-dire inexplicables en soi . Mais le caractère extra-ordinaire de ces phénomènes n’est qu’une illusion, il est produit par l’ignorance et notamment par le fait que nous ne percevons les choses que de notre point de vue d’homme, point de vue étroit et partiel qui nous empêche de comprendre que ce qui est anormal est parfaitement normal si on adopte un autre point de vue, un point de vue élargi qui résout et intègre dans un ordre ce qui est en apparence désordonné .

Si l’on se hisse à la hauteur de « l’ordre universel », le caractère extraordinaire sera dissipé et nous saurons que les éclipses, les tremblements de terre et la façon dont tombent les météorites obéit à une stricte nécessité . LEIBNIZ affirme donc, d’une part, qu’il y a un ordre universel, que cet ordre est au dessus de l’ordre particulier des créatures, d'autre part .  Cela signifie qu’il est au- dessus des hommes mais qu’il est pourtant qu’il est connaissable . LEIBNIZ précise donc une chose: qu' il y a un ordre universel auquel chaque chose est soumise etque cet ordre universel qui dépasse pourtant l’ordre particulier des créatures est connaissable par cette créature qu’est l’homme . L’homme affirme LEIBNIZ peut donc adopter le point de vue divin, celui qui englobe tous les points de vue partiels .

On pourrait utiliser, mutatis mutandis, l’exemple de la révolution copernicienne qui à cet égard riche d’enseignement : le géocentrisme interdisait de comprendre le mouvement de certaines planètes, il a fallu abandonner le point de vue de la terre pour adopter le point de vue du soleil pour que l’on comprenne que l’apparente incohérence n’était que le produit de la partialité de notre point de vue . Si on adopte le point de vue de l’ordre universel, le désordre du point de vue particulier se dissipe . Il n’était donc pas dans les choses mais dans le défaut de connaissance. LEIBNIZ affirme qu’il ne saurait y avoir des irrégularités ce qui signifie que tout ce qui arrive est nécessaire et ne pouvait pas ne pas arriver, l’hypothèse adverse est absurde . « On ne saurait feindre rien de tel », signifie qu’on ne saurait concevoir ou imaginer qu’il pût y avoir des évènements ou des phénomènes contingents . Il ne peut y avoir de désordre réel, c’est-à-dire quelque chose qui n’obéirait à aucune loi, aucun principe . Mais il faut pour comprendre cela adopter le point de vue de « l’ordre universel » .

 

 

Comment LEIBNIZ prouve-t-il sa thèse ?

 

C’est ici que LEIBNIZ va entamer la démonstration de sa thèse par la réfutation de l’hypothèse adverse ( ou démonstration par l’absurde) . Le rôle de l’exemple qui suit n’est donc pas seulement d’illustrer mais de servir de contre exemple et si un exemple ne prouve pas une théorie, un seul contre exemple suffit à la réfuter .

Il prend l’exemple de la géomancie qui est un art divinatoire qui comme l’astrologie ou autres sciences occultes prétend interpréter des signes non pas dans les astres mais ici sur les traits dessinés, au hasard, par terre . Non seulement c’est un art ridicule parce que l’ordre de l’univers n’est certainement pas fait en fonction de nos désirs mais et surtout l’acte même de dessiner les traits peut être compris dans une courbe calculable passant par les traits qu’on a dessinés . Il en va de même pour la ligne, si au lieu de tracer des points, on traçait une ligne, on devrait pouvoir trouver l’équation et donc montrer la nécessité de ces prétendues « irrégularités » .

Ce qui est soumis à une stricte nécessité ce ne sont pas seulement les essences mais les existences . On dit souvent qu’"il n’y a de science que du général"    voulant dire par là que l’on ne connaît que des essences car par définition les individus sont différenciés et aucunement identiques les uns aux autres . Pourtant LEIBNIZ affirme ici que même les individus au sens logique comme aux sens ordinaire d’homme sont calculables et que ce qu’il y a même de plus singulier et singularisant, le visage, peut se ramener à une équation .

Ces exemples ne sont pas tous identiques mais dans tous les cas ce qu’il faut remarquer c’est que le moyen qui nous permet de dégager l’ordre derrière le désordre apparent c’est la géométrie et le calcul . Si le réel est rationnel, pour LEIBNIZ cela signifie , avant tout qu’il est calculable . La géométrie est donc le moyen de sortir de l’ignorance mais elle est aussi la façon dont le monde a été réglé du point de vue de l’ordre universel . Il s’agit donc de ramener l’inconnu à du connu, du sensible à du mesurable et au final la contingence à la nécessité .

Ainsi, LEIBNIZ est en mesure de confirmer sa thèse : si au début de note fragment, il partait des choses qui paraissent extraordinaires, ayant réfuté cette illusion, il part maintenant de la connaissance véritable des causes pour rendre raison d’un préjugé .

 

 

Conclusion :

La thèse de LEIBNIZ est représentative d’une « foi » inconditionnelle en la raison . Il affirme que le réel est entièrement rationnel, ce qui signifie qu’il est intégralement nécessaire et qu’il n’y a pas de contingence . La contingence n’est qu’une illusion qui disparaît dès qu’on connaît la règle qui régit le réel . Cette affirmation constitue pourtant une donnée problématique puisqu’elle supprime la liberté . De plus, LEIBNIZ prétend adopter le point de vue de l’ordre universel, en dépassant « l’ordre particulier des créatures ». Autrement dit, il prétend dépasser les facultés humaines de connaissance, ce qui là aussi est problématique (KANT montrera que l’homme ne peut pas outrepasser l’expérience et avoir une connaissance métaphysique .) La valorisation du calcul par LEIBNIZ reste pourtant originale et très contemporaine .

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17 mars 2014 1 17 /03 /mars /2014 21:13

 

 

skin

  Ecorché tenant un poignard et sa dépouille, extrait d'anatomia del corpo humano, 1560, Juan VALVERDE .

 

  L'artiste ( BECERRA,  élève de MICHEL-ANGE) et  l'anatomiste hésitent  : juste un corps sans visage ou encore une personne en action et qui pense ?

Mais après tout, qu'importe ? L'écorché ne s'est-il pas auto-mutilé ?

 

 

" L'évidence première n'est pas une vérité fondamentale. En fait, l'objectivité scientifique n'est possible que si l'on a d'abord rompu avec l'objet immédiat, si l'on a refusé la séduction du premier choix, si l'on a arrêté ou contredit les pensées qui naissent de la première observation. Toute objectivité, dûment vérifiée, dément le premier contact avec l'objet . Elle doit d'abord tout critiquer: la sensation, le sens commun, la pratique même la plus constante, l'étymologie enfin, car le verbe, qui est fait pour chanter et séduire, rencontre rarement la pensée. Loin de s'émerveiller, la pensée objective doit ironiser. Sans cette vigilance malveillante, nous ne prendrons jamais vraiment une attitude objective . S'il s'agit d'examiner des hommes, des égaux, des frères, la sympathie est le fond de la méthode. Mais devant ce monde inerte qui ne souffre d'aucune de nos peines et que n'exalte aucune de nos joies , nous devons arrêter toutes les expansions, nous devons brimer notre personne .Les axes de la poésie et de la science sont d'abord inverses. Tout ce que peut penser espérer la philosophie, c'est de rendre la poésie et la science complémentaires, de les unir comme deux contraires bien faits. "

 

BACHELARD

 

RQ : Texte donné la veille des vacances d'hiver et bien peu réussi ... La difficulté tient au piège constitué par l'importance de la définition de l'objectivité scientifique qui a égaré les élèves sur la thèse. Ils n'ont guère tenu compte de la derniére phrase alors qu'elle contenait la thèse essentielle et l'objet d'une discussion et d'un enjeu très actuels .  

 

On se représente la philosophie comme un projet  pour élaborer et privilégier un discours purement rationnel traquant et dénonçant les images, les métaphores susceptibles d’égarer l’esprit . Dans ce texte, BACHELARD, ne fait pas exception . Abordant la question de la science, il expose ce qui fait l’objectivité scientifique et au prix de quel effort mental elle s’obtient  ( thème). Pourtant, sa position (thèse) est originale : s’il distingue soigneusement, « l’objectivité scientifique » de « l’évidence première »,  cette dernière devant être dépassée, il n’en demeure pas moins que la méthode scientifique ne s’applique pas à n’importe quel objet et notamment à l’homme. Quand il s’agit de l’homme, il faut changer de méthode et privilégier au contraire « la sympathie ». Dès lors, le rôle de la philosophie n’est pas seulement de dénoncer les images au nom de l’objectivité scientifique mais  d’ « espérer » rendre complémentaires et non rivales,  la « poésie et la science ».

Le problème n’est donc pas de savoir si l’objectivité scientifique telle qu’elle est définie par l’auteur  est valable. Il ne s’agit pas de mettre en question la valeur de cette méthode mais plutôt l’extension de son champs d’application . L’homme doit-il échapper à l’emprise de l’objectivité scientifique ? Mais le peut-il ? Avouant que le philosophe ne fait qu’espérer la conciliation des différentes approches, force est de constater que l’homme lui-même semble pris dans un regard purement technoscientifique et désenchanté .

Ainsi on se trouve devant l’alternative suivante :

Ou bien la philosophie « pense espérer » rendre complémentaires la science et la poésie et par là sauver l’homme d’un discours purement « objectif », en lui opposant  approche « sympathique ", on a là la position de BACHELARD.

 Ou bien la philosophie « n’espère plus » et l’homme  doit être, dans son humanité même, traité comme toute chose,  avec « une vigilance malveillante ».

 

Le mouvement du texte est le suivant :

Du début à la ligne 8, BACHELARD, commence par réfuter la valeur de l’évidence première. Il  expose les conditions nécessaires pour parvenir à l’objectivité scientifique .

De la ligne 8 à 11 « s’il s’agit d’examiner des hommes » à  « nous devons brimer notre personne », l’auteur  dégage les limites de l’objectivité scientifique : la méthode ne s’applique pas à l’étude des hommes mais à « un monde inerte », c’est-à-dire au monde des choses .

Enfin, l’auteur tire les conséquences de son expertise épistémologique eu égard au rôle de la philosophie . Le philosophe qui réfléchit de façon critique  aux conditions de possibilité de la science peut aussi déterminer ses limites et faire une place à la « poésie » .

 

1 Explication :

 

En quoi consiste « l’objectivité scientifique » ?

 

Dans ce passage, BACHELARD commence par opposer l’évidence première et la vérité fondamentale . L’évidence , loin d’être un chemin d’accès, la première étape du savoir constituerait  au contraire sa négation . On peut donc déjà supposer que la vérité « fondamentale » implique une élimination de ce qui pourtant se présente comme « premier ».

La vérité, quoique fondamentale, devra s’imposer à ce qui semble toujours inattaquable, parce qu’elle « saute aux yeux », l’évidence . Ce qui « saute aux yeux » n’est donc que la surface et non le fondement . Précisément, l’auteur affirme que pour parvenir à cette vérité fondamentale, il n’y a qu’une méthode, celle de « l’objectivité scientifique » .

 

Qu'est-ce que l'objectivité scientifique ?

 

On peut définir une science par son objet et sa méthode , mais ce qui fait la science en tant que telle,  avant même l'objet, c’est la méthode . Ce qui fait la valeur d’un savoir, ce n’est pas ce qu’on sait mais comment on le sait .

Autrement dit, l’objectivité  scientifique, n’est pas donnée ou innée, elle est le résultat d’un travail du sujet connaissant qui doit extirper tout ce qu’il pourrait mettre de lui dans l’objet . Paradoxalement, donc,  s’interroger sur l’objectivité scientifique impose une réflexion sur le sujet connaissant . La science c’est d’abord un esprit scientifique !

 C’est parce que l’homme est conscient qu’il peut se détacher du monde, et se le donner comme objet . Mais il y a loin de la conscience  commune qui perçoit des « objets » devant elle à l’objectivité scientifique .

 

Qu'est-ce qui empêche de parvenir à cet objectif ?

 

Percevoir des objets, c’est  percevoir les objets à distance, mais c’est forcément y mêler beaucoup de subjectivité aussi bien individuelle que spécifique . Je ne perçois qu’au travers de mon vécu, de mes affects et fondamentalement que relativement à mon point de vue . Au fond, l’objectivité scientifique implique la disparition du « point de vue », forcément partiel et  partial  . Je mêle donc dans la perception l’objet perçu  et le sujet percevant . L’objectivité scientifique veut la complète élimination du sujet dans l’objet : il faut pour parvenir à l’objectivité scientifique non pas tant s’interroger sur l’objet que sur le sujet, voir comment il peut s’introduire subrepticement dans nos observations . Pour autant, il ne faudrait pas croire que l'objectivité fût donner par l'objet, cette attitude est précisément la source du réalisme naîf .

  En fait, il faut,  dans le sujet connaissant,   éliminer la part non rationnelle, émotive, affective, imaginaire considérée comme parasite et perturbatrice mais c'est bien elle qui sera la source de l'objectivité et de ses normes .

Ainsi, il faut adopter une attitude radicale : il faut "rompre", "refuser", "arrêter et contredire" et non négocier ou faire des compromis avec elle .

La preuve de l’efficacité,  nous dit BACHELARD, c’est que l’objectivité « vérifiée » « dément » ou réfute l’expérience primitive avec l’objet. Dès lors,  n’y a pas entre l’evidence ou expérience première une différence de degré, mais une différence de nature .

l’évidence n'est pas qu' un savoir élémentaire mais confus,  c' est un préjugé et donc un obstacle au savoir . Avoir des préjugés, c’est ne pas savoir, certes mais c’est surtout ne pas savoir qu’on ne sait pas, et donc croire qu’on sait ! Il n’y a pas de plus grand obstacle au savoir .  Il faut vaincre le préjugé avant d'espèrer s'instruire .

On peut comprendre alors pourquoi BACHELARD insiste sur le commencement de la science . Ce n’est pas l’éminence de l’objet, rappelons –le,  qui fait la science mais la méthode. Autrement dit,  c’est le sujet connaissant qui est la source de l’objectivité réclamée, et c’est au prix d’un travail sur soi que le scientifique peut espérer éliminer ce qu’inconsciemment il pro-jette sur l’objet . Si d’abord, il faut être méfiant , c’est que le piège de l’évidence est premier en effet !  BACHELARD indique ici les différentes modalités de l’ évidence première qu’il faut  questionner .

a) La sensation : constitue un obstacle à la connaissance loin d’être un point de départ puisqu’elle est la source même de l’illusion ainsi que nous le montre la rupture introduite par COPERNIC ( changement de paradigme)

b) Le sens commun aime généraliser, unifier . or il y a toujours un risque de généralisation hâtive

( ex de la coagulation qui au 18 éme siècle regroupait les phénomènes les plus divers : le lait qui caille, le sang, le fiel, les graisses, la solidification des métaux, la congélation de l’eau …)

c) La pratique même la plus commune .  On peut l’illustrer par la recherche constante d’une vérité utile. Trouver une utilité c’est trouver une raison .

d) L’étymologie, est un autre moyen de tomber dans l’erreur et constitue ce que BACHELARD appelle un obstacle épistémologique . Elle pourrait nous faire penser que nous atteignons au travers des transformations du mot, l’être-même des choses . Ainsi, savoir que l’atome est le plus petit élément indivisible de la matière  empêche de penser celle-ci comme une relation . Mais dans ce passage, BACHELARD ne peut s’empêcher de parler positivement du pouvoir du langage qu’il nomme le « verbe ». Ici, la « verbe » est opposé à la « pensée » . BACHELARD pense-t-il que la pensée s’exprime sans langage ? Sûrement pas, mais le « verbe » désigne ici  le langage naturel ( la langue)   susceptible d’égarer la pensée par son équivocité . La pensée scientifique n’est pas sans langage mais elle utilise  le langage univoque des mathématiques .

 

Quel est le prix de cette conquête ?

 

 Or le langage mathématique permet certainement de rompre le charme que font sur nous les objets du quotidien.

Que devient l'odeur du miel lorsque le morceau de cire est "ramené" à de l'étendue indifférenciée ? Le scientifique ne s’émerveille pas, en effet,  devant le spectacle du monde, il « ironise » . Il veut dire par là que celui qui admire la nature se trouve incapable de l’interroger . On ne met pas à la question  ce qu’on contemple . La première position est active et implique  une domination, la seconde présuppose au contraire une participation à la beauté du cosmos . BACHELARD qualifie même cette attitude, comme pour s’excuser, de « vigilance malveillante » .  Il faut renoncer à contempler la nature, à se sentir faire partie du cosmos si l’on veut la connaître scientifiquement . Il faut au contraire la « mettre à la question » , l’explorer, l’ouvrir, voire telle une machine la démonter,  pour rendre visible son mécanisme caché .

Parvenir à l’objectivité scientifique implique un renoncement qui ne va pas de soi. L’homme est naturellement enclin à croire à ce qu’il voit, à penser en fonction de ses besoins et de l’utile, en fonction de la langue qu’il utilise et qui véhicule une vision du monde . Il est naturellement porté à se sentir en communion avec la nature lui qui possède un corps qui le relie aux choses et aux autres . Mais autant, il faut faire cet effort pour connaître la nature autant cette méthode s’avère-t-elle, aux yeux de BACHELARD, inadapté quand on « examine » des hommes . C’est dans un second moment qu’il restreint le champs d’application de la méthode scientifique .

 

S’applique-t-elle à l’homme ?


BACHELARD va insister désormais sur les limites à assigner à l’objectivité scientifique, à cette méthode . Les hommes ne sont pas des « objets » comme les autres, ce sont des « égaux », autrement dit,  des êtres qui sont jugés qualitativement, du point de vue de leur valeur et non analysés quantitativement . Si ce sont mes « frères » cela signifie qu’avec eux , je ne peux pas avoir la distance de l’objectivité scientifique : j’ai d’emblée avec eux un rapport moral et un rapport de solidarité , je suis uni à eux . C’est le sens du mot « sympathie » qui est ici à prendre en son sens étymologique ! La sympathie, c’est le fait de souffrir avec . Tout autre sera alors la méthode qui me permettra de les « connaître » ou de les reconnaître comme mes frères .  Si le scientifique est seul au monde, l’homme, en tant que tel, pris dans a globalité,  est relié et ne peut faire abstraction de ses affects . BACHELARD dit même qu’il ne le doit pas. C’est une question de méthode . Si la méthode décrite précédemment est valable, c’est  parce qu’elle s’adresse à « un monde inerte » qui n’ a pas de ressenti intérieur . Prétendre que la méthode

S’applique aux hommes serait forcer le scientifique à se détacher de la communauté des hommes et à les traiter avec une « vigilance malveillante » que BACHELARD semble ne pas envisager . 

 

Qu’ en résulte-t-il pour la philosophie ?


Réfléchir aux principes qui dirigent une science, c’est faire de l’épistémologie, mais dégager les limites de l’investigation scientifique en distinguant ce qui relève de la science et ce qui n’en relève pas, c’est plutôt faire œuvre de philosophie . C’est pourquoi, on peut comprendre BACHELARD, qui recourt ici à ce concept . 

 A l’instar de KANT faisant une place à la  foi, BACHELARD, « espère » seulement  rendre compatible la science et la poésie . Le concept de poésie ne désigne pas ici seulement un genre littéraire qui consiste à écrire en vers mais une véritable « méthode » , celle qui consiste non pas à interroger mais à s’émerveiller, à se sentir relié au monde, aux autres, à éprouver l’épaisseur de notre corps inséré dans le monde.  La poésie est donc une méthode « sympathique », à la fois contemplative et bienveillante qui fait la part belle à la subjectivité humaine, aussi bien aux émotions, qu’aux valeurs du beau et du bien, au sens,  totalement étrangers à l’objectivité scientifique. Si l’épistémologue la refuse, le philosophe la recommande quand il est question de l’homme. Mais BACHELARD pourtant exprime un doute : le philosophe ne fait  qu’ « espérer » parvenir   à la complémentarité .

 

2 Discussion :

 

L’espérance de BACHELARD est-elle justifiée ? Si on approuve la limite qu’il assigne à la méthode scientifique, peut-on dire qu’il a été entendu et qu’il le pouvait l'être ? 

Force est de constater que l’objectivité scientifique s’est étendue à l' homme, non seulement dans ce qui peut apparaître comme une chose « inerte », dans son corps,  que l’on assimile volontiers à une machine,  que dans sa vie sociale ou psychologique . DURKHEIM n’avait-il pas la prétention de « traiter des faits humains comme des choses » ? 

 Enfin, la neurologie, la génétique ne parviennent-elles pas plus encore que les sciences humaines à faire de l’homme une chose traitée avec « une vigilance malveillante » ? Loin de maintenir un équilibre entre la science et la poésie, n’avons-nous pas à lutter pour que la science traite l’homme comme une personne et non comme une chose ? L’existence même de la bio-éthique par exemple,  ne signifie-t-il pas que la science loin de se contenter des frontières proposées par BACHELARD,  est sans limite et finit par ne  laisser aucune place à l’homme, c’est-à-dire aucune place à la "poésie" ?

Les femmes, avec la GPA ( gestation pour autrui),  ne sont-t-elles réduites à des  "outils vivants" ?

( Sylviane AGACINSKI, dans Le corps en miettes, parle même de « fours à pain » ! )  . La sexualité, La grossesse, dans ce cas,  ne sont-elles pas désormais non pas l’objet de la poésie mais l’objet d’une brimade de la personne ?

Le dualisme de l'âme et du corps imposé par la modernité, qui traite le corps comme une chose et fait de l'âme une substance séparée a permis une telle instrumentalisation des personnes . Ne serait-il pas urgent de repenser l'union qui fait les hommes réels,  pour les réconcilier avec la nature, les autres et eux-mêmes ? DESCARTES insistait pour dire que nous ne sommes pas "logés en notre corps comme un pilote en son navire",  mais que nous sommes étroitement uni à lui . Il ne faudrait pas que, tel l'écorché de VALVERDE,  nous regardions avec nostalgie disparaître notre peau d'homme pour lui substituer, avec notre consentement d'ailleurs, du "matériel génétique"manipulable et, accessoirement,  commercialisable.

Le monde proposé  par la science n’est-il pas à jamais désenchanté et la poésie à jamais réduite au silence ? Comment "repoétiser" l'humain sans pour autant faire de l'anti-science ?  Tel est désomais le programme que doit se donner la sagesse humaine .

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21 novembre 2013 4 21 /11 /novembre /2013 21:23

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   Il y a deux façon de dire des choses fausses, soit j'ai conscience que c'est faux, alors je mens;  soit je prends ce faux pour le vrai , alors, je commets une erreur .

  L'erreur  est involontaire, inconsciente sinon ce ne serait plus une erreur. Le propre de l'erreur , c'est de ne pas être reconnue comme telle par celui qui la commet . Mais comment expliquer les affirmations sincères qui ne sont pas conformes à la réalité ?

En fait , nous nous trompons parce que le plus souvent notre jugement qu'il soit affirmatif ou négatif n'est pas déterminée assez solidement . 

 

 

RQ : L'homme juge de tout et tout le temps ! Le mot de jugement a une connotation très négative auprès des élèves , ils l'assimilent à préjugé, il ne faudrait jamais juger ... Il faut apporter quelques précisions parce qu'on ne peut pas ne pas juger ce serait arrêter de ...penser !  Juger , c'est penser , c'est-à-dire peser et nous ne cessons de tout mettre en balance , y compris quand nous jugeons qu'il ne faut pas juger !  

Juger c'est donc penser  ou peser comme on voudra .

Penser , c'est un terme que nous utilisons au moins dans deux formules :

 

a) je pense à mes futures vacances : cette pensée,  très agréable au demeurant,  implique que je suis capable de ma représenter des choses en leur absence . C'est déjà beaucoup , c'est une des caractéristiques de la pensée qui est  capable de dépasser la sensation et la perception sensible .

 

b) je pense que ces vacances seront agréables : à ce moment là en effet , j'affirme une opinion qui est le résultat d'un jugement , c'est-à-dire littéralement d'une pesée . Tout se passe en effet comme si en mettant le projet de vacances sur un plateau de la balance , j'avais mis un face le poids :"agréable" après avoir éventuellement essayer d'autres petits poids : géniales , formidables, ennuyeuses etc .

On ne peut pas s'empêcher d'avoir des opinions c'est-à-dire de juger .Ne pas porter de jugement , être "sans opinion" , c'est sans doute juste une rubrique  des sondages d'opinion. On juge de tout ,des choses mais aussi des idées . C'est ainsi que pour nous les choses sont vraies, bonnes ou belles ou justes vraisemblables, agéables ou jolies et les choses ne sont ainsi que pour nous .Un animal sent , voit des choses mais n'émet pas de jugement ni de réalité ni de valeur .Il aurait fallu qu'il disposât pour cela  d'un pouvoir d'abstraction et de généralisation , autrement dit de la raison .

Naturellement , nous émettons des jugements souvent erronés . Nous devons donc examiner le phénomène de l'erreur de jugement  et voir si nous ne pourrions pas  l'éviter .

 

 

 

DESCARTES préconise pour éviter l'erreur "de ne recevoir jamais aucune chose pour vraie que je ne la connusse évidemment être telle : c'est-à-dire d'éviter soigneusement la précipitation et la prévention " .

On peut expliquer la plupart de nos erreurs à ces deux causes .

 

La précipitation: la réalité est complexe et il y a des apparences trompeuses. La sagesse conseillerait que l'on n'affirme rien trop vite et sans examen .   il y a certaines urgences de la vie qui impliquent une décision rapide que l'on peut regretter parfois même si d'ailleurs DESCARTES nous dit comment éviter les regrets . En tout cas sur le plan théorique , ce sont des habitudes et une certaine paresse intellectuelle qui nous empêchent l'examen critique . Là aussi les qualités morales sont requises !

 

La prévention : prévention est synonyme de préjugé et un préjugé  est un acte intellectuel . Beaucoup de nos préjugés viennent de l'enfance et de l'éducation mais ils viennent aussi de nos désirs et de nos intérêts .

 

"Les principales sources de préjugés sont : l’imitation, l’habitude, et l’inclination .

Des 3 sources générales des préjugés précédemment indiqués, et plus spécialement de l’imitation naissent maints préjugés particuliers : le préjugé de l’autorité de la personne, celui du grand nombre, c’est le vulgaire qui est le plus porté à ce préjugé ; Enfin , le préjugé de l’autorité de l’âge  ou celui de la nouveauté ." KANT , logique .

 

 

 

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29 mars 2013 5 29 /03 /mars /2013 18:08

 DCP 2959

 

 

 

1 - TEXTE:( traduction V. Cousin )

 

 

[514a] Maintenant, repris-je, pour avoir une idée de la conduite de l’homme par rapport à la science et à l’ignorance, figure-toi la situation que je vais te décrire. Imagine un antre souterrain, très ouvert dans toute sa profondeur du côté de la lumière du jour ; et dans cet antre des hommes retenus, depuis leur enfance, par des chaînes qui leur assujettissent tellement les jambes et le cou, qu’ils ne peuvent ni changer de place  [514b] ni tourner la tête, et ne voient que ce qu’ils ont en face. La lumière leur vient d’un feu allumé à une certaine distance en haut derrière eux. Entre ce feu et les captifs s’élève un chemin, le long duquel imagine un petit mur semblable à ces cloisons que les charlatans mettent entre eux et les spectateurs, et au-dessus desquelles apparaissent les merveilles qu’ils montrent.

Je vois cela.

Figure-toi encore qu’il passe le long de ce mur, des hommes (514c) portant des objets de toute sorte qui paraissent ainsi au-dessus du mur, des figures d’hommes (515a) et d’animaux en bois ou en pierre, et de mille formes différentes ; et naturellement parmi ceux qui passent, les uns se parlent entre eux, d’autres ne disent rien.

Voilà un étrange tableau et d’étranges prisonniers.

Voilà pourtant ce que nous sommes. Et d’abord, crois-tu que dans cette situation ils verront autre chose d’eux-mêmes et de ceux qui sont à leurs côtés, que les ombres qui vont se retracer, à la lueur du feu, sur le côté de la caverne exposé à leurs regards ?

Non, puisqu’ils sont forcés de rester toute leur vie (515b) la tête immobile.

Et les objets qui passent derrière eux, de même aussi n’en verront-ils pas seulement l’ombre ?

Sans contredit.

Or, s’ils pouvaient converser ensemble, ne crois-tu pas qu’ils s’aviseraient de désigner comme les choses mêmes les ombres qu’ils voient passer ?

Nécessairement.

Et, si la prison avait un écho, toutes les fois qu’un des passants viendrait à parler, ne s’imagineraient-ils pas entendre parler l’ombre même qui passe sous leurs yeux ?

Oui.

(515c) Enfin, ces captifs n’attribueront absolument de réalité qu’aux ombres.

Cela est inévitable.

Supposons maintenant qu’on les délivre de leurs chaînes et qu’on les guérisse de leur erreur : vois ce qui résulterait naturellement de la situation nouvelle où nous allons les placer. Qu’on détache un de ces captifs ; qu’on le force sur-le-champ de se lever, de tourner la tète, de marcher et de regarder du côté de la lumière : il ne pourra faire tout cela sans souffrir, et l’éblouissement l’empêchera de discerner les objets dont il voyait (515d) auparavant les ombres. Je te demande ce qu’il pourra dire, si quelqu’un vient lui déclarer que jusqu’alors il n’a vu que des fantômes ; qu’à présent plus près de la réalité, et tourné vers des objets plus réels, Il voit plus juste ; si enfin, lui montrant chaque objet à mesure qu’il passe, on l’oblige, à force de questions, à dire ce que c’est ; ne penses-tu pas qu’il sera fort embarrassé, et que ce qu’il voyait auparavant lui paraîtra plus vrai que ce qu’on lui montre ?

Sans doute.

(515e) Et si on le contraint de regarder le feu, sa vue n’en sera-t-elle pas blessée ? N’en détournera-t-il pas les regards pour les porter sur ces ombres qu’il considère sans effort ? Ne jugera-t-il pas que [ 67 ] ces ombres sont réellement plus visibles que les objets qu’on lui montre ?

 

Assurément.

Si maintenant on l’arrache de sa caverne malgré lui, et qu’on le traîne, par le sentier rude et escarpé, jusqu’à la clarté du soleil, cette violence n’excitera-t-elle pas ses plaintes (516a) et sa colère ? Et lorsqu’il sera parvenu au grand jour, accablé de sa splendeur, pourra-t-il distinguer aucun des objets que nous appelons des êtres réels ?

Il ne le pourra pas d’abord.

Ce n’est que peu à peu que ses yeux pourront s’accoutumer à cette région supérieure. Ce qu’il discernera plus facilement, ce sera d’abord les ombres, puis les images des hommes et des autres objets qui se peignent sur la surface des eaux, ensuite les objets eux-mêmes. De là il portera ses regards vers le ciel, dont il soutiendra plus facilement la vue, quand il contemplera pendant la nuit la lune (516b) et les étoiles, qu’il ne pourrait le faire, pendant que le soleil éclaire l’horizon.

Je le crois.

A la fin il pourra, je pense, non-seulement voir le soleil dans les eaux et partout où son image se réfléchit, mais le contempler en lui-même à sa véritable place.

Certainement.

Après cela, se mettant à raisonner, il en viendra à conclure que c’est le soleil qui fait les saisons et les années, qui gouverne (516c) tout dans le monde visible, et qui est en quelque sorte le principe de tout ce que nos gens voyaient là-bas dans la caverne.

Il est évident que c’est par tous ces degrés qu’il arrivera à cette conclusion.

Se rappelant, alors sa première demeure et ce qu’on y appelait sagesse et ses compagnons de captivité, ne se trouvera-t-il pas heureux de son changement et ne plaindra-t-il pas les autres ?

Tout-à-fait.

Et s’il y avait là-bas des honneurs, des éloges, des récompenses publiques établies entre eux pour celui qui observe le mieux les ombres à leur passage, qui se rappelle le mieux en quel ordre (516d) elles ont coutume de précéder, de suivre ou de paraître ensemble, et qui par là est le plus habile à deviner leur apparition ; penses-tu que l’homme dont nous parlons fût encore bien jaloux de ces distinctions, et qu’il portât envie à ceux qui sont les plus honorés et les plus puissants dans ce souterrain ? Ou bien ne sera-t-il pas comme le héros d’Homère, et ne préfèrera-t-il pas mille fois n’être qu’un valet de charrue, au service d’un [ 69 ] pauvre laboureur [01], et souffrir tout au monde plutôt que de revenir à sa première illusion et de vivre comme il vivait ?

(516e) Je ne doute pas qu’il ne soit disposé à tout souffrir plutôt que de vivre de la sorte.

Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne et qu’il aille s’asseoir à son ancienne place ; dans ce passage subit du grand jour à l’obscurité, ses yeux ne seront-ils pas comme aveuglés ?

Oui vraiment.

 

Et si tandis que sa vue est encore confuse, et avant que ses yeux se soient remis et (517a) accoutumés à l’obscurité, ce qui demande un temps assez long, il lui faut donner son avis sur ces ombres et entrer en dispute à ce sujet avec ses compagnons qui n’ont pas quitté leurs chaînes, n’apprêtera-t-il pas à rire à ses dépens ? Ne diront-ils pas que pour être monté là-haut, il a perdu la vue ; que ce n’est pas la peine d’essayer de sortir du lieu où ils sont, et que si quelqu’un s’avise de vouloir les en tirer et les conduire en haut, il faut le saisir et le tuer, s’il est possible.

Cela est fort probable.

Voilà précisément, cher Glaucon, (517b) l’image de notre condition. L’antre souterrain, c’est ce monde visible : le feu qui l’éclaire, c’est la lumière du soleil : ce captif qui monte à la région supérieure et la contemple, c’est l’âme qui s’élève dans l’espace intelligible. Voilà du moins quelle est ma pensée, puisque tu veux la savoir : Dieu sait si elle est vraie. Quant à moi, la chose me paraît telle que je vais dire. Aux dernières limites du monde intellectuel, est l’idée (517c) du bien qu’on aperçoit avec peine, mais qu’on ne peut apercevoir sans conclure qu’elle est la cause de tout ce qu’il y a de beau et de bon ; que dans le monde visible, elle produit la lumière et l’astre de qui elle vient directement ; que dans le monde invisible, c’est elle qui produit directement la vérité et l’intelligence ; qu’il faut enfin avoir les yeux sur cette idée pour se conduire avec sagesse dans la vie privée ou publique.

J’entre dans cette manière de voir autant qu’il m’appartient.

Conçois donc aussi et cesse de t’étonner que ceux qui sont parvenus à cette hauteur dédaignent de prendre en main les affaires humaines, et que leurs âmes aspirent sans cesse à se fixer dans la région supérieure. (517d) Cela est bien naturel, s’il y a analogie entre ce dont nous parlons et limage que nous avons tracée plus haut.

Oui, rien déplus naturel.

Qu’y a-t-il d’étonnant, dis-moi, qu’un homme, passant des contemplations divines aux misérables objets qui occupent les hommes, ait mauvaise grâce et paraisse ridicule, lorsque dans le premier trouble, et avant d’être familiarisé avec les ténèbres qui l’environnent, il est forcé d’entrer en dispute devant les tribunaux ou ailleurs sur des ombres de justice ou sur les images qui projettent ces ombres, (517e) et de s’escrimer contre la manière dont ces images sont prises par des hommes qui n’ont jamais vu la justice elle-même ?

Il est impossible de s’en étonner.

(518a) Un homme sensé fera réflexion que la vue peut être troublée de deux manières et par deux causes opposées, par le passage de la lumière à l’obscurité, ou par celui de l’obscurité à la lumière : et comme il en est de même de la vue de l’âme, lorsqu’il verra une âme troublée et embarrassée pour discerner certains objets, il n’ira pas en rire sans raison ; il examinera si c’est que revenant d’un état plus lumineux elle se trouve comme offusquée faute d’habitude, ou si passant des ténèbres de l’ignorance à la lumière, elle est éblouie (518b) de son trop vif éclat. Dans le premier cas, il la félicitera de l’embarras qu’elle éprouve et de ce commerce divin ; dans le second, il la plaindra ; ou bien s’il veut rire à ses dépens, ses railleries seront moins ridicules que si elles s’adressaient à l’âme qui redescend du séjour de la lumière.

On ne peut parler plus raisonnablement.

Or, si tout cela est vrai, il faut en conclure que la science ne s’apprend pas de la manière dont certaines gens le prétendent. Ils se vantent de pouvoir la faire entrer dans  (518c) l’âme où elle n’est point, à peu près comme on donnerait la vue à des yeux aveugles.

Tel est leur langage.

 

Ce que nous avons dit suppose au contraire que chacun possède la faculté d’apprendre, un organe de la science ; et que, semblable à des yeux qui ne pourraient se tourner des ténèbres vers la lumière qu’avec le corps tout entier, l’organe de l’intelligence doit se tourner, avec l’âme tout entière, de la vue de ce qui naît vers la contemplation de ce qui est et de ce qu’il y a de plus lumineux dans l’être ; et cela nous l’avons appelé (518d) le bien, n’est-ce pas ?

oui

 

 

 

 

 

2  ELEMENTS DE COMPREHENSION :

 

 

 

                        1ère approche : La blessure de la négativité .

 

( je reprends succintement  la très belle conférence de N. GRIMALDI  : Socrate, le sorcier . Projet EEE) 

 

le monde est malade :

 

 

 

  Ainsi que le rapporte Platon , nous sommes enchaînés dans la caverne qui est le lieu de la pénombre où nous ne voyons que des ombres et où règne l’opinion .

Ce monde est enfin de compte aussi le monde de la négativité , un monde qui ne se tient pas . Il annonce quelque chose qu’il dénonce aussitôt :  les prétendus savant ne sont pas compétents . Les hommes pieux ne savent pas ce qu’est la piété . Les malades prèfèrent les cuisiniers aux médecins .

 Mais les choses aussi sont décevantes : tout est aussi trompeur : un bout de bois peut être égal et inégal au bout du compte on ne sait plus ce qu’il est . Même le doigt, on finit par ne plus savoir ce que c’est  .

En énonçant ce qui est le langage se désavoue sans cesse , le réel ne cesse de décevoir .

A la limite Héraclite et Protagoras ont raison : « rien n’est Un, rien n’est en soi » . L’être n’est pas car tout change sans cesse . Ce monde est miné par la contradiction, nous y sommes des étrangers . Le langage qui dit ce qui est, est inapproprié à notre monde .

Ce monde est celui aussi de la mélancolie : Tout dans ce monde est décevant : on tombe amoureux d’un beau corps mais ce corps devient vieux . Même le plaisir ne tient pas ses promesses : le plaisir est un tonneau perçé : plus on en prend, plus on en manque . Il lui suffit de croître pour décroître . Enfin, la mort qui nous interdit d’accomplir quoique ce soit . La mort, c’est l’inaccomplissement définitif .

 

 PROBLEME : De deux choses l’une : ou bien il n’y a pas d’essence , ou bien elle est transcendante à l’existence . PLATON va opter pour la seconde solution !

 

Le remède, c’est la logique ou apprendre à mourir !

 

Pour délivrer les âmes en peine , il va falloir examiner les pensées , voir celles qui sont viables, harmoniques,  et celles qui sont contradictoires. Si l’on prend la notion la plus simple , celle de l’être, il ne peut pas faire partie de ce monde parce qu’il est un et identique . Toute la question est de savoir si on peut tirer de nouvelles idées qui consonnent avec elle .

Quand on considère cette notion primitive , on voit qu’elle engendre le nombre, l’un , on voit que chaque nombre est engendré par le précédent plus un . Tous les nombres sont engendrés les uns par les autres à partir d’un seul qui est l’idée de l’un . L’arithmétique, mais aussi la géométrie ont cette capacité à nous arracher au sensible .

Ex  du mouvement du point (invisible) qui engendre le cercle  puis la sphère enfin le cylindre  !  La découverte du remède n’est autre qu’ un rapport totalement renouvelé au langage qui "ne dit pas ce qui est mais qui fait être ce qu’il dit", qui n’est plus le satellite du réel mais qui au contraire fait du réel son satellite .

Il n’est plus évocatoire mais incantatoire .

 Mais on comprend aussi qu’on n’apprend pas les mathématiques comme on s’informe de n’importe quelle autre connaissance contingente et changeante . Si les mathématiques sont des objets éternels , il est nécessaire que nous aussi nous ayons une part d’éternité . Si nous étions des êtres purement matériels et sensibles nous serions incapables d’accéder à un tel savoir . La théorie de la réminiscence implique que ces vérités ne sont pas connues mais reconnues (anamnèse )  . Par conséquent enseigner c’est tâcher de faire sortir de l’oubli  mais on n’enseigne qu’à ceux qui savent déjà !

 

                       2° synthèse sur la théorie des Idées . cf P.Fouquié : la République LVII

 

 

Exercice : dégager l'interprétation des différentes images en élaborant un tableau  distinguant bien ce qui relève de l'être et ce qui relève du connaître :

 

 

 

 

 

Epistémologiquement : la connaissance véritable est une connaissance qui s’effectue par des notions intelligibles . Sans doute ,  grâce à la sensation, nous connaissons le monde sensible . mais ce n’est pas le monde réel . Or , il n’y a de science que de ce qui est réellement . La sensation peut faire connaître des apparences qui varient avec les individus et avec les circonstances et fonder l’opinion ; il n’y a de connaissances que par la connaissances des Idées ou si l’on préfère il n’y a de science que du général et même du nécessaire . Seul le concept abstrait et général peut nous faire connaître quelque chose .

Ex :  je perçois que telle rose rouge de mon jardin mais si je fais de la botanique , je dirais que la rose est rouge  et je la classerais parmi les végétaux : il y aura abstraction et généralisation .

Dans le monde perçu par les sens, nous ne voyons que des individus contingents, seuls les types d’après lesquels ont été formés ces individus sont universels et nécessaire ; c’est donc dans la connaissance de ces types que consiste la science . Nous ne tirons pas le théorème de PYTHAGORE des triangles tracées sur le sable où aucune mesure n’est exacte , mais de l’Idée de triangle .

 

Ontologiquement : les idées ne sont pas simplement des concepts mais des réalités véritables par rapport auxquelles les choses matérielles sont de pâles copies , voire des simples apparences . C’est d’ailleurs pour cela qu’on écrit Idée avec une majuscule .

 Au fond , si c’est LA rose que je connais et non pas celles de mon jardin , force est de constater que seule la rose ne fane pas !  Les Idées sont donc au principe de toute existence. Elles ne sont pas seulement le modèle d’après lequel sont faits les êtres sensibles .L’être même des objets que nous percevons n’est qu’une participation de l’être des Idées . Les idées elles –mêmes n’ont pas un être indépendant, elles sont  hiérarchisées entre elles . Une seule possède l’être sans le recevoir c’est l’idée du Bien, raison dernière et explication ultime de tout ce qui est , réalité qui dépasse le pouvoir de l’intelligence mais ans laquelle rien n’est intelligible .

La théorie des idées est une solution au probléme de l’être et du devenir . Pour PARMENIDE, l’être est et le non-être n’est pas mais forcément de l’être on ne peut rien dire sinon qu’il est . HERACLITE disait que tout change sans cesse, par suite l’être n’est pas . ( on ne se baigne jamais deux fois dans la même eau ) . PLATON accorde à PARMENIDE que dans le domaine de l’être véritable , source  de tout ce qui est,  il n’y a pas de changement : les idées sont immuables . Mais il reconnaît avec HERACLITE que le monde sensible est changeant et que par suite , ce n’est pas l’être véritable

 

Psychologiquement : L’homme est constitué de deux principes, l’âme et le corps, mais il est essentiellement esprit , et l’union de cet esprit à un corps est accidentelle, comme celle du cavalier avec sa monture ; elle constitue même un malheureux accident , suite à une faute mystérieuse et qu’il faut essayer de corriger .

L’âme humaine préexistait à son union au corps et elle contemplait dans le monde intelligible , les Idées . De cette participation , l’âme emprisonnée dans le corps ne peut évoquer aucun souvenir ; mais la vue des objets sensibles qui participent à ces Idées provoque la réminiscence, c’est-à-dire un rappel sans reconnaissance, et ainsi s’explique l’origine des idées générales : je ne tire pas l’idée générale de cercle de ce cercle particulier que me montrent mes yeux, mais la vue de ce cercle suffit à me rappeler le Cercle contemplé jadis dans le monde des idées .

« Une intelligence d’homme doit s’exercer selon ce qu’on appelle Idée, en allant d’une multiplicité de sensations vers une unité, dont l’assemblage est acte de réflexion. Or cet acte consiste à se ressouvenir des objets que notre âme a vu lorsqu’elle levait la tête vers tout ce qui est réellement réel. » Phèdre

 D’où la possibilité pour un esclave ignorant, MENON dans le célèbre dialogue éponyme . 

 

 

 

 

 

 

DSC04091

 

"lorsqu’il verra une âme troublée et embarrassée pour discerner certains objets, il n’ira pas en rire sans raison ; il examinera si c’est que revenant d’un état plus lumineux elle se trouve comme offusquée faute d’habitude, ou si passant des ténèbres de l’ignorance à la lumière, elle est éblouie   de son trop vif éclat. Dans le premier cas, il la félicitera de l’embarras qu’elle éprouve et de ce commerce divin ; dans le second, il la plaindra"

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19 mars 2012 1 19 /03 /mars /2012 08:00

  Dans ce chapitre, il est question du difficile car très abstrait  PROBLEME DE LA CONNAISSANCE ,  de sa  valeur. 

Que pouvons-nous connaître du monde extérieur  ?  Avec ce nouveau chapitre nous quittons le pur monde intérieur de la pensée et de son extériorisation dans la culture pour aller vers le monde extérieur .

le problème de la connaissance est double car on peut distinguer , jusqu'à un certain point au moins ,  les problèmes épistémologiques et les problèmes métaphysiques .

Les problèmes épistémologiques s'interrogent  sur la valeur de  nos connaissances   :  l'induction est -elle un raisonnement fiable, elle qui préside aux sciences expérimentales ?  ( théorie et expérience  TL ) .

D'autre part , le problème métaphysique concernant la valeur de notre connaissance par rapport à la vérité définie comme adéquation de la pensée au réel : sommes-nous sûrs, sans l'ombre d'un doute,  que nous pouvons conclure à cette conformité? Qu'est-ce qui est conforme à quoi ? : la pensée au réel ou le réel à la pensée ? Pouvons -nous connaître ce qui fait la substance même de ce réel  : matière ou esprit ?

 

Pourquoi est-ce si difficile ? ( je viens juste de voir avec ma TL que j'ai mal préparé le terrain!!)

 

 

L'homme pense, c'est-à-dire que l'homme ne fait pas que sentir et être passif mais il se représente le monde et lui-même.

Se représenter le monde et lui-même cela veut dire simplement que par l'homme , par sa conscience, les choses existent deux fois !

S'il s'agit de l'homme lui-même , c'est grâce à sa capacité à s'éloigner de lui-même, à s'objectiver qu'il peut se représenter   lui-même, non seulement par la conscience réfléchie mais  dans  le monde extérieur grâce à la culture  . L'homme existe donc comme un être vivant et aussi en tant qu'il se représente cette existence .

 Le problème  de la connaissance est donc plus délicat que celui de la culture car il n'est plus question de s'extérioriser , de marquer le monde extérieur "du sceau de son intériorité" (HEGEL) mais,  au contraire,  de viser ce monde extérieur pour lui même .

 

Une petite fable pourrait aider à nous faire comprendre le problème qui va surgir :

 

Supposez que vous arriviez dans une contrée inconnue , cette contrée existe en elle-même avant que que vous ne la découvriez mais si vous rentrez chez vous , vous allez maintenant y penser , vous allez vous la représenter malgré son absence et même parce qu'elle est absente . Vous allez penser aux fleuves, aux vallées que vous avez vus . Cette contrée, quoique non présente, existe désormais pour vous . On admet même   que c'est la conscience qu'on en a qui lui confère l'existence, ce qui sera symbolisé par un nom en la faisant  exister aussi pour les autres consciences .

 

  On le voit,  cette découverte que les choses existent deux fois , pose un certain nombre de problèmes lorsqu'il ne s'agit plus de se représenter soi -même théoriquement et pratiquement  mais qu' il s'agit de connaître ce qui n'est pas soi , ce qui est à l'extérieur de soi que l'on nomme justement le réel  , c'est-à-dire les choses qui ne sont pas en  "nous" mais hors de nous .( réel vient de "res" qui signifie la chose et la chose n'est, théoriquement,  pas l'objet seulement )

 

Précisons ce problème :

 

1- Comment connaître les choses en soi ?

 

En effet,  si les choses existent deux fois , comme choses indépendantes de nous , donc "en soi" et " pour nous", dans la représentation qu'on s'en fait , comment les connaître en elles-mêmes ? Pouvons-nous , comme pour ma contrée lointaine y retourner et aller vérifier ? Ce voyage est-il seulement possible ? Ne sommes-nous pas voués à des aller-retours absurdes puisqu'à chaque fois , on sera  contraint d'aller vérifier sa vérification ?

  En d'autres termes, puis-je disposer d'une vérification réelle c'est-à-dire matérielle que ce monde n'est pas que "dans ma tête" ? Comment savoir que cette contrée existe en elle-même avant qu'on ne réalise qu'elle existe pour nous ? Pouvons -nous connaître cette contrée sans le fait que nous la connaissions, ou  antérieurement à la connaissance que désormais on en a ?

Je crains que certains ne  me disent  qu'il faut retourner voir ! Ils ne comprennent pas que si les choses ne sont que dans notre conscience , nous ne pouvons pas , comme lorsque nous allons nous pencher au balcon de notre salon pour voir d'où vient le bruit que nous percevons, nous ne pouvons nous pencher à la fenêtre de notre conscience !

 

Pouvons-nous connaître les choses en elles-mêmes , les choses en -soi ( noumènes) ou sommes -nous condamnés à ne connaître que les représentations qu'on en a ( phénomènes) ?  ( le monde perçu est-il le monde réel ?)


Si nous partons inévitablement des phénomènes, pourrons-nous distinguer une teinture d'une peinture ? la teinture-chose en soi , n'a-t-elle pas pour nous la même apparence que la peinture -chose pour nous- et inversement ? Si les faces visibles , sont identiques comment connaître les faces cachées et découvrir que l'une n'est qu'apparence pour nous  tandis que l'autre est en soi ?   

 

 A quelles conditions serons-nous capables de saisir les choses en soi , c'est-à-dire , non pas comme "objet" de notre représentation mais vraiment comme chose extérieures à nous et donc par conséquent comme matérielles ?

 

2-Y-a-t-il des choses en soi ?

 

Si nous ne pouvons faire ce  voyage de retour vers la contrée lointaine,si nous ne pouvons nous pencher à la fenêtre de notre conscience,  si  nous sommes incapables de saisir les choses en soi , qu'est-ce qui nous assure que nous ne sommes pas victimes d'hallucinations ou au moins d'apparences ? Les phénomènes ne sont-ils que des apparences ? Pour ma contrée de tout à l'heure comment s'assurer qu'elle existe bien en dehors de ma conscience ?

 Si je poursuis mon autre analogie et précise les raisons de l'impossibilité de distinguer la teinture de la peinture:

- je ne peux retourner l'article ,  au sens de regarder derrière,  car je fais un achat sur internet 

- l'article n'arrive jamais.

ne suis-je pas tentée de dire qu'il n'y a  aucune différence entre une teinture et une peinture puisque nous ne pouvons pas y avoir accès et qu'en plus , il n'y a pas de magazin ? Et pour que les choses soient claires mais très paradoxales, il est vrai, ne devons-nous pas dire que la chose en soi est un fantasme ?

 

je vois déjà les "réalistes" qui crieront au scandale et  diront :  retournons voir ! (ils sont têtus ) !  Les idéalistes_ ceux qui optent et radicalisent la seconde possibilité dans l'immatérialisme ,  assumeront le fait que "Etre c'est percevoir ou être perçu" . BERKELEY . Pour ceux -là tout est peinture !!!

 

3- Comment ne pas partir de nous ?

 

Dans les deux cas , ce qu'il faut examiner  c'est le rôle  joué par la pensée humaine  et même pour répondre aux "réalistes" l'ensemble de ses facultés de connaissance , l'entendement donc, mais aussi  la sensibilité  , c'est-à-dire la possibilité d'être affecté par des impressions sensibles  .On passe donc d'une question ontologique ( qu'est-ce que ? ) à une question qui porte sur le sujet connaissant .Il s'agit donc d'examiner la valeur de nos facultés de connaitre, pour savoir si nous pouvons leur faire confiance pour traverser les apparences .

 Du fait que nous ne pouvons partir du réel devons-nous conclure que ce que nous voyons ne correspond à rien et qu'en définitive , il n'y a que des apparences et quelles sont les apparences de "rien" ?

 

  Le probléme est donc celui de la vérité , comme conformité de la pensée au réel . Qu'est-ce qui nous garantit si nous partons de la pensée, _ si nous passons par la médiation de la pensée_  que celle-ci est bien conforme au réel et pas seulement à l'idée qu'on s'en fait ?

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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17 février 2012 5 17 /02 /février /2012 15:20

 

Peut-on dire de l’esprit qu’il est immatériel ?

 

 

La tradition philosophique distingue habituellement matière et l’esprit qui seraient comme les composants ultimes de tout ce qui existe . L’attitude la plus commune consiste à dire que ces deux substances co-existent et que chacune rend compte d’une réalité différente ; Ainsi , la matière par exemple serait-elle l’élément des corps que nous rencontrons tous les jours .

On appelle esprit, ce qui renvoie à notre capacité à penser, à raisonner , à aimer aussi et ce qui le caractériserait serait essentiellement pensé par rapport à la matière et en opposition à elle . l’esprit serait non localisable, impalpable, insaisissable à la manière des corps , bref on dit très précisément que l’esprit est immatériel .

Mais a-t-on vraiment dit quelque chose à propos de l’esprit en disant qu’il n’est pas matériel , a-t-on dit quelque chose de plus pertinent que les scolastiques moqués par MOLIERE qui parlaient de   « la vertu dormitive de l’opium » ? Ne s’agit-il pas d’une définition purement nominale , circulaire et de surcroît négative ? Parler de l’immatérialité de l’esprit  nous avance-t-il à quelque chose ? A contrario, soupçonner que l’esprit est matériel et que pendant que je tape ces mots sur mon ordinateur il se passe quelque chose en mon cerveau , n’est-ce-pas beaucoup plus intéressant et beaucoup plus fécond ? Entre les discours métaphysiques sur l’immatérialité de l’esprit et les recherches scientifiques multiples de la neurobiologie qui réduisent l’esprit à ses conditions matérielles , le choix n’est-il pas évident ? D’ailleurs y-a-t-il vraiment le choix ?

Toutefois, devons –nous entériner la victoire définitive du matérialisme c’est-à-dire la victoire définitive de la science et sa revendication plus ou moins avouée d’être la seule autorité légitime à parler de l’Homme ?   Si nous sommes entièrement déterminés par la matière , pouvons –nous encore nous prétendre être des êtres moraux , c’est-à-dire , des êtres capables de choix et de liberté ?  De surcroît , la science peut-elle, sans se contredire ,être de part en part matérialiste : si l’esprit du savant lui-même n’est que matière comment serait-il possible que la matière « connaisse » de la matière , l’acte de connaissance , n’est-il pas lui-même un acte irréductible à la matière qui suppose un sujet  se donnant un objet ?

On le voit le problème serait de savoir si le matérialisme peut assumer  les présupposés  de sa position : il n’y a que des objets .Et ses conséquences : l’homme n’a pas plus de valeur qu’une bête puisque comme elles , il ne serait pas l’auteur ni de ses pensée ni de ses actes , il ne serait donc pas plus responsables d’eux qu’un chat ne l’est quand il mange une souris . Bref,  Il s’agirait  donc de savoir si le matérialisme tel qu’il s’incarne aujourd’hui dans la science est absolument à la hauteur de ses prétentions et de ses dires .

 

 

 

 

1 LE DUALISME DES SUBSTANCES  .

 

Une telle position est « naturelle »  mais aussi  estimée par la religion  cf l’opposition de la « chair » faible et de l’esprit qui « vivifie » , étayée philosophiquement par DESCARTES  pour distinguer l’âme et le corps . 

Mais au-delà de ces discours classiques,

cette dualité se trouve justifiée par    des observations concrètes concernant le lieu même de cet affrontement entre la matière et l’esprit qu’est le vivant . Ce dernier  serait comme une matière faisant exception aux lois de la matière c’est-à-dire aux lois de la physique et de la mécanique.  Au fond , ce dualisme ontologique ( matière/esprit) serait lié à des difficultés d’ordre méthodologique ( mécanisme contre finalisme )

 

Le vitalisme  (qui est un spiritualisme) est cette position qui affirme la dualité et le primat de l’esprit sur la matière en montrant que les explications mécanistes des matérialistes ne peuvent rendre compte des organismes vivants . Ils invoquent au contraire la nécessité de recourir à une explication finaliste pour rendre compte non seulement des êtres vivants mais aussi de l’univers tout entier . Ainsi on invoque  la finalité externe rendant compte de l’incroyable et merveilleuse organisation générale de la biosphère  et le fait qu’elle semble n’avoir d’autre but que de permettre l’émergence de l’homme . Tout se passe comme si chaque être vivant, chaque espèce était intelligemment placé dans l’ensemble de la biosphère pour permettre à cet ensemble d’exister de la manière la plus harmonieuse possible , et comme si l’évolution du monde du vivant tendait à l’émergence de cet être conscient qu’est l’homme . On pourrait croire que la biosphère est une macro –organisation .

Mais même si l’on ne veut pas aller aussi loin dans l’utilisation du principe de finalité (finalité externe) , on ne peut pas , pour les individus se passer d’un usage restreint de ce principe : la finalité interne . La finalité interne consiste dans le fait que chaque organisme est d’abord un tout qui oriente chaque partie, dans sa genèse et son fonctionnement . Le principe organisateur de chaque organisme ne pourrait se réduire à une partie constituée mais précèderait et unifierait la diversité des parties sans être réductibles à aucune .  

 

TEXTE N°1

"Dans une montre une partie est l'instrument du mouvement des autres, mais un rouage n'est pas la cause efficiente de la production d'un autre rouage ; certes une partie existe pour une autre, mais ce n'est pas par cette autre partie qu'elle existe. C'est pourquoi la cause productrice de celles-ci et de leur forme n'est pas contenue dans la nature (de cette matière), mais en dehors d'elle dans un être, qui d'après des Idées peut réaliser un tout possible par sa causalité.

C'est pourquoi aussi dans une montre un rouage ne peut en produire un autre et encore moins une montre d'autres montres, en sorte qu'à cet effet elle utiliserait (elle organiserait) d'autres matières ; c'est pourquoi elle ne remplace pas d'elle-même les parties, qui lui ont été ôtées, ni ne corrige leurs défauts dans la première formation par l'intervention des autres parties, ou se répare elle-même, lorsqu'elle est déréglée : or tout cela nous pouvons en revanche l'attendre de la nature organisée. - Ainsi un être organisé n'est pas simplement machine, car la machine possède uniquement une force motrice ; mais l'être organisé possède en soi une force formatrice qu'il communique aux matériaux, qui ne la possèdent pas (il les organise) : il s'agit ainsi d'une force formatrice qui se propage et qui ne peut pas être expliquée par la seule faculté de mouvoir (le mécanisme). [...]

    Dans la nature les êtres organisés sont ainsi les seuls, qui, lorsqu'on les considère en eux-mêmes et sans rapport à d'autres choses, doivent être pensés comme possibles seulement en tant que fins de la nature et ce sont ces êtres qui procurent tout d'abord une réalité objective au concept d'une fin qui n'est pas une fin pratique, mais une fin de la nature, et qui, ce faisant, donnent à la science de la nature le fondement d'une téléologie, c'est-à-dire une manière de juger ses objets d'après un principe particulier, que l'on ne serait autrement pas du tout autorisé à introduire dans cette science (parce que l'on ne peut nullement apercevoir a priori la possibilité d'une telle forme de causalité)". KANT 

 

 

A fortiori, s’il s’agit de rendre compte de l’homme qui est non seulement un organisme , un tout ,c’est-à-dire un être dont la nature ne se réduit pas à la somme de ses parties , mais qui de surcroît , a conscience de cette unité . Il serait donc , non seulement un individu ( un indivisible ) mais encore une personne capable de percevoir son unicité « au travers de tous les changements »  physiques ou mêmes psychologiques qui peuvent lui arriver et c’est la conscience de cette unicité qui le rendrait sujet responsable de ses actes .

 

  T° Une telle position si elle est  pertinente , est –elle toujours tenable ? le maintien d’un tel dualisme lié à un besoin   méthodologique d’explication n’est-il pas dépassé par les progrès foudroyant des sciences , en particulier de la neurobiologie qui montre tout ce que « peut le corps «  c’est-à-dire la matière et qu’au fond la victoire de l’explication mécaniste sur l’explication finaliste sonnerait le glas d’un recours à une  double ontologie .

 

 

2 LA VICTOIRE DU MATERIALISME

 

Conformément au précepte cartésien énoncé dans la 6 ème partie du DISCOURS DE LA METHODE  selon lequel il n’y a aucune différence « entre les machines que font nos artisans et ceux que la nature seule compose », la science moderne montre et démontre que tout dans la nature se réduit à de principes simples d’explication et que les lois de la physiques sont des lois de la mécaniques ,ce qui signifie qu’il ne faut pas postuler quand on considère les phènomènes naturels des principes mystérieux . C’est la thèse du corps-machine ( attention pour DESCARTES , ce n’est pas la thèse de l’homme-machine même si la controverse va encore bon train pour savoir si DESCARTES ne serait pas le père du matérialisme moderne ).

Une des victoires les plus éclatantes de la thèse du mécanisme et du matérialisme qui va de paire avec lui réside dans la thèse de l’Evolution de DARWIN qui à ce jour n’est pas réfutée … elle consiste à dire que l’apparition de l’homme n’a pas à être rattachée à une explication finaliste de type plus ou moins religieux mais que tout s’explique par la rencontre « du hasard et de la nécessité » MONOD .

 

"Une protéine globulaire c'est déjà, à l'échelle moléculaire, une véritable machine par ses propriétés fonctionnelles, mais non, nous le voyons maintenant, par sa structure fondamentale où rien ne se discerne que le jeu de combinaisons aveugles. Hasard capté, conservé, reproduit par la machinerie de l'invariance et ainsi converti en ordre, règle, nécessité. D'un jeu totalement aveugle, tout, par définition, peut sortir, y compris la vision elle-même. Dans l'ontogenèse [1] d'une protéine fonctionnelle, l'origine et la filiation de la biosphère entière se reflètent et la source ultime du projet que les êtres vivants représentent, poursuivent et accomplissent se révèle dans ce message, dans ce texte précis, fidèle, mais essentiellement indéchiffrable que constitue la structure primaire. Indéchiffrable, puisque avant d'exprimer la fonction physiologiquement nécessaire qu'il accomplit spontanément, il ne révèle dans sa structure que le hasard de son origine. Mais tel est, justement, le sens le plus profond, pour nous, de ce message qui nous vient du fond des âges. […]

Parmi les recherches modernes en biologie, certaines des plus belles par leur méthodologie, comme des plus profondément signifiantes, constituent ce qu'on appelle la génétique moléculaire [...]. Ces recherches ont permis, en particulier, d'analyser les différents types d'altérations accidentelles discrètes que peut subir une séquence de polynucléotides dans la double fibre de l'ADN. [...]

 Nous disons que ces altérations sont accidentelles, qu'elles ont lieu au hasard. Et puisqu'elles constituent la seule source possible de modifications du texte génétique, seul dépositaire, à son tour, des structures héréditaires de l'organisme, il s'ensuit nécessairement que le hasard seul est à la source de toute nouveauté, de toute création dans la biosphère. Le hasard pur, le seul hasard, liberté absolue mais aveugle, à la racine même du prodigieux édifice de l'évolution : cette notion centrale de la biologie moderne n'est plus aujourd'hui une hypothèse, parmi d'autres possibles ou au moins concevables. Elle est la seule concevable, comme seule compatible avec les faits d'observation et d'expérience. Et rien ne permet de supposer (ou d'espérer) que nos conceptions sur ce point devront ou même pourront être révisées. [...]

 Les événements élémentaires initiaux qui ouvrent la voie de l'évolution à ces systèmes intensément conservateurs que sont les êtres vivants sont microscopiques, fortuits et sans relation aucune avec les effets qu'ils peuvent entraîner dans le fonctionnement téléonomique [2]. [..]

 Mais une fois inscrit dans la structure de l'ADN, l'accident singulier et comme tel essentiellement imprévisible va être mécaniquement et fidèlement répliqué et traduit, c'est-à-dire à la fois multiplié et trans- posé à des millions ou des milliards d'exemplaires. Tiré du règne du pur hasard, il entre dans celui de la nécessité, des certitudes les plus implacables. Car c'est à l'échelle macroscopique, celle de l'organisme qu'opère la sélection.

    Beaucoup d'esprits distingués, aujourd'hui encore, paraissent ne pas pouvoir accepter

ni même comprendre que d'une source de bruit la sélection ait pu, à elle seule, tirer toutes les musiques de la biosphère. La sélection opère en effet sur les produits du hasard et ne peut s'alimenter ailleurs ; mais elle opère dans un domaine d'exigences rigoureuses dont le hasard est banni. C'est de ces exigences, et non du hasard, que l'évolution a tiré ses orientations généralement ascendantes, ses conquêtes successives, l'épanouissement ordonné dont elle semble donner l'image."

Jacques Monod, Le hasard et la nécessité, Éd. du Seuil, 1970, pp. 111-112-126-127-135.

Voir aussi Descartes …cf cours sur la technique

[1] Évolution de l'être individuel.

[2] La téléonomie est l'étude des lois de la finalité. Le fonctionnement téléonomique est le fait que les êtres vivants semblent poursuivre

 

En ce qui concerne la  prétendue spécificité de l’homme, c’est-à-dire sa conscience , les progrès incroyables de la neurobiologie mais aussi des sciences cognitives montrent parfaitement que l’esprit n’est que chimie c’est-à-dire  que matière et que la prétention d’une réalité comme l’esprit n’est que l’expression d’un obscurantisme d’un autre âge comme sont d’un autre âge aux yeux de JP CHANGEUX les discours religieux , philosophiques mais aussi et ce n’est pas le moins grave , moraux . 

 

« Théologiens et philosophes (pas tous) considèrent les fonctions supérieures du cerveau comme leur domais réservé, et cela avec d’autant plus d’assurance que celles-ci ne sont pas tombées sous le bistouri de l’analyse scientifique .Elles le seront tôt ou tard et cela n’a rien d’inquiétant ;Ce qui m’inquiète beaucoup plus, c’est l’effort considérable qu’il faudra faire à leur sujet pour sortir des discours littéraires. 

Pour le neurobiologiste que je suis, il est naturel de considérer que toute activité mentale, quelle qu’elle soit, reflexion ou sentiment, conscience de soi…est déterminée par l’ensemble des influx nerveux circulant dans des ensembles définis de cellules nerveuses, en réponse ou non à des signaux extérieurs.j’irai même plus loin en disant qu’elle n’est que cela . Nous ne sommes pas loin de J.O de la METTRIE qui allant jusqu’au bout du matérialisme contenu , peut-être en germe chez DESCARTES , disait dans  son célèbre ouvrage « l’Homme-machine » : « je crois la pensée si peu incompatible avec la matière organisée qu’elle semble en être une propriété, telle que l’électricité, la faculté motrice, l’impénétrabilité, l’étendue etc »

 

  T° Une telle thèse qui élimine toute dimension spiritualiste peut-elle être révoquée sans que l’on sombre dans l’obscurantisme ? la thèse de la biologisation globale  de l’homme peut-elle être contestée ?A tout le moins , il faut savoir être prudent et ne pas rentrer dans des considérations idéologiques voire fanatiques (cf  les intégrismes et leur refus d’enseigner la thèses de l’Evolution ) dont la science et l’honnêteté intellectuelle n’ont que faire .

Toutefois la radicalisation de la thèse matérialiste exposée par JP CHANGEUX ne nous fait-elle pas tomber dans les illusions du scientisme ? HEGEL déjà stigmatisait le ridicule du de la phrénologie qui pensait trouver dans les bosses du crâne une aptitude aux mathémathiques ou à la musique ou à l’infidélité…De façon beaucoup moins drôle, les prétentions du matérialisme incarnées dans la science et plus particulièrement la biologie n’ont-elles pas pour conséquence de récuser toute dignité à l’Homme ? Que devient la possibilité de l’acte moral si je suis entièrement déterminé par ma nature , mon hérédité , mes gènes , mes chromosomes ? Cf la science au service de l’obscurantisme ; ouvrage sur «  le cerveau féminin » vu au rayon science à la FNAC en 2010….

Suis-je encore une personne , cad un être ayant une valeur éminente si tout en moi est nature et corporéité ?

 

 

 

3-LE SUJET HUMAIN IRREDUCTIBLE A L'OBJECTIVATION

Il semble donc que nous devions trouver une voie , qui tout en évitant le piège de l’obscurantisme et du scientisme nous permettrait de penser la spécificité de notre humanité laquelle réside dans le fait

 

 

a)-pas de science sans conscience, c'est-à-dire, pas d'objet sans sujet ."un objet ne saurait en connaître un autre"!

 

 

Il y a là-dessus (…) deux vues classiques. L’une consiste à traiter l’homme comme le résultat des influences physiques, physiologiques et sociologiques qui le détermineraient du dehors et feraient de lui une chose entre les choses. L’autre consiste à reconnaître dans l’homme, en tant qu’il est esprit et construit la représentation des causes mêmes qui sont censées agir sur lui, une liberté acosmique*. D’un coté l’homme est une partie du monde, de l’autre il est conscience constituante du monde. Aucune de ces deux vues n’est satisfaisante. A la première on opposera toujours après Descartes que, si l’homme était une chose entre les choses, il ne saurait en connaître aucune, puisqu’il serait, comme cette chaise ou cette table, enfermé dans ses limites, présent en un certain lieu de l’espace et donc incapable de se les représenter tous. Il faut lui reconnaître une manière d’être très particulière, l’être intentionnel, qui consiste à viser toute chose et à ne demeurer en aucune. Mais si l’on voulait conclure de là que, par notre fond, nous sommes esprit absolu, on rendrait incompréhensibles nos attaches corporelles et sociales, notre insertion dans le monde, on renoncerait à penser la condition humaine.

 

MERLEAU-PONTY

 

 

 

 

 

 

 

 

 b)- moraux : c’est-à-dire des personnes et qu’ à ce titre la science ne saurait constituer le seul discours sur l’Homme ou taxer ces discours péjorativement de « littérature », ce point est evidemment capital puisqu’il invite à une reflexion indispensable dans les débat de bio-éthique  concernant la valeur de l’embryon humain ou l’euthanasie par exemple .

 

 

 

Conclusion

 A la question de savoir si on peut dire que l’esprit est immatériel, nous ne  pouvons raisonnablement nier le progrès scientifique des neurosciences mais il faut avec rigueur montrer sa dimension idéologique quand il prétend se faire système , et avec force dénoncer sa dimension immorale s’il oublie ( ?) la valeur de la personne humaine .

 

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20 novembre 2011 7 20 /11 /novembre /2011 09:32

 

La vérité dépend-elle de nous ?

 

Le problème de l’essence de la vérité est le problème philosophique par excellence.

 On définit communément la vérité comme l’adéquation de la pensée avec le réel seulement cette définition pose plus de problèmes qu’elle n’en résout . Effectivement , il ne faut pas confondre la vérité et la réalité, la réalité c’est ce que vise ma pensée. Or ma pensée n’a rien de mystérieux, elle se compose de jugements où j’affirme quelque chose à propos de quelque chose . Un jugement se compose d’un sujet , d’une copule « est » et d’un prédicat, comme par exemple quand je dis :« cette rose est rouge ». Autrement dit, nous devons passer pour atteindre la réalité par la médiation du concept, mais tout  le problème est de savoir ,au fond, si en partant du concept, en partant de la représentation que nous avons de la réalité, nous atteignons la réalité ? Comment vérifier, que nous atteignons les choses et non pas la représentation que nous en avons, si jamais nous ne pouvons partir des choses mais toujours de la pensée ? Ne sommes –nous pas surtout assurés de ne pas sortir de nos représentations , si cohérentes soient-elles ?

Qu’est-ce qui nous garantit qu’en pensant le vrai on atteint le réel ?    La découverte d’un tel critère ne nous imposerait-elle pas une régression sans fin ? Qu ‘est-ce qui nous garantirait que ce critère serait le bon et qu’il n’aurait pas besoin à son tour d’être assuré , « vérifié » ?

Ne serait-il pas plus juste d’admettre qu’indépendamment, du travail réflexif des hommes nous avons une intuition de la vérité « invincible à tout le Pyrrhonisme » comme disait PASCAL et qui implique que nous soyons capable de reconnaître la vérité avant même que nous n’ayons besoin de preuve ou de démonstration ?

Toutes ces difficultés nous imposent donc que nous nous posions la question de savoir si la vérité dépend de nous ou si ,au contraire ,elle est indépendante de nous .

Si la vérité dépend de nous , c’est-à-dire , des hommes et de leur subjectivité, peut-on encore parler de vérité ? La vérité n’est-elle pas par essence une, nécessaire et universelle ? Que serait une vérité changeante en fonction de celui qui l’énonce et des circonstances qui l’entourent ? Je ne peux choisir que 2 et 3 fassent 5 comme je choisis la couleur de mon parapluie ! Que je le veuille ou non 2 et 3 font  5, l’eau bout à 100° , Hitler est arrivé au pouvoir le 30 janvier 1933.

Il est possible que cela ne me plaise pas  et que je ne dise pas la vérité comme il arrive lorsque je mens ; mais le mensonge est alors la preuve ,qu’en mon for intérieur, j’ai reconnu la vérité et PASCAL n’avait pas tort.

Ainsi , la vérité serait bien parfaitement indépendante des hommes quoique parfois malmenée, elle finirait toujours, comme on dit,  par « éclater » !

L’absoluité de la vérité ne cache –t-elle pas des difficultés redoutables :

 Comment se fait-il que nous nous trompions ? Comment se fait-il que nous puissions prendre l’erreur pour la vérité , n’est-elle pas censée « éclater » ? Le phénomène de l’erreur et son corollaire ( le progrès dans la vérité dans la mesure où il est défini comme  « la rectification de l’erreur » BACHELARD ) ne révèlent-t-il pas  que  nous ne serions pas totalement passifs dans la recherche de la vérité telle , au fond , que l’indépendance de la vérité le suggère ?

Mais si nous intervenons dans l’établissement de la vérité, si ,en effet nous devons renoncer à l’idée d’une vérité qui se révèlerait à nous sans que nous en soyons les auteurs , comment allons nous éviter l’écueil du scepticisme et du relativisme ? Si la vérité est affaire de point de vue, comment pourrons- nous éviter de dire avec NIETZSCHE  que «  tout est interprétation » ?

Comment pourra-t-on , par exemple, condamner  un propos disant que les camps de concentration ne sont qu’ « un détail » au regard de tous les pillages et massacres que nous offre  le spectacle de l’histoire ?

Le problème est donc de savoir si nous pouvons être les auteurs de la vérité sans que l’idée de vérité soit balayée par notre subjectivité . La vérité peut-elle être relative aux hommes sans que nous sombrions dans le relativisme ?

 

 

 

1 La vérité est indépendante de nous

 

     a )  Distinction vérité / opinion :

 

 La vérité est intolérante ! En effet, si on admet que l’eau bout à 100°, on ne peut pas admettre aussi que l’eau bout à 99° ou à 0°, il ne peut y avoir qu’une proposition vraie dans une myriade de propositions fausses , nous n’avons pas le choix ! Le concept de vérité exclut que l’on puisse dire une chose et la négation de cette chose en même temps. Si on pouvait soutenir plusieurs vérités à propos d’un même sujet , le concept même de vérité s’effondrerait pour se fondre dans celui d’opinion, or si nous reconnaissons que « 5+7 = 12 » et que « Louis XIV   est mort en 1715 » c’est parce que cela ne fait ni 13 ni 45 et que ce n’est ni plus tôt , ni plus tard que le représentant de la monarchie absolue est décédé , que cela nous plaise ou non !

La vérité est intolérante parce qu’elle n’admet pas la pluralité des jugements sur ces sujets et c’est même pour cela qu’on l’appelle vérité.

 

       b )  Distinction vérité de raison / vérité de fait

 

Il nous faut par ailleurs remarquer qu’on peut distinguer , à l’instar de LEIBNIZ, qu’il existe deux types de vérités ; les vérités de raison d’une part , les vérités de fait,  d’autre part.

Les vérités de raison sont les vérités qui concernent les sciences formelles ( logique et mathématiques ) ; les vérités de raison sont donc celles qui sont démontrables.

Qu’est-ce que démontrer ?

Démontrer , au sens précis du terme   , c’est montrer la nécessité d’une proposition.

Ainsi, la logique, qui est l’étude des règles que doit adopter la pensée pour être cohérente, montre –t-elle que si je dis que « tous les hommes sont mortels » et « Socrate est un homme », je ne peux pas ne pas dire que « Socrate est mortel », cette conclusion est nécessaire car elle est tirée de l’analyse du concept d’homme lui-même contenu dans le concept de mortel.

La démonstration repose donc sur des principes ( principes de la logique ) qui d’ailleurs ne sont pas démontrables car ils sont à la source de toute démonstration .Il faut les admettre si on veut que notre propos soit, sinon adéquat au réel ,du moins cohérent . Les principes de la logique dirigent donc toute pensée qui se veut non contradictoire.

C’est sur ces principes que DESCARTES, par exemple, prétend démontrer l’existence de Dieu.

Si nous avons en nous l’Idée d’un être tout parfait , cette Idée nécessairement  contient l’existence de cet être , car comme il est plus parfait d’être que de ne pas être, nous aurions une Idée contradictoire. Autrement dit, l’analyse du concept (ou essence) contient l’existence . En mathématique , également, même si les choses sont encore plus complexes , il n’en demeure pas moins que la démonstration repose sur un raisonnement déductif qui est le seul capable d’établir des propositions universelles et nécessaires bien qu’il ne repose pas sur la simple analyse du concept.

Il faut bien distinguer la déduction de l’induction , le second type de raisonnement ,puisqu’il part des phénomènes observés, toujours limités,     ne fournit que des règles particulières et contingentes.Pour affirmer qu’ »il n’ y a que des cygnes blancs », il faudrait avoir une vision totale de tous les cygnes qui ont existé et existeront jamais, ce qui n’est guère faisable…On le voit le raisonnement inductif amplifie prématurément l’observation concrète car il existe des cygnes noirs !

Seule la déduction et, par conséquent, seules les sciences qui n’ont pas affaire à un réel matériel mais à des concepts, peuvent établir des propositions universelles et nécessaires car la pensée n’a affaire qu’à elle même.

 Autrement dit, les vérités de raison s’imposent à nous car nous n’y mettons rien de nous mêmes contrairement aux vérités issues de l’expérience qui précisément , pour cette raison ne sont pas fiables.

Toutefois, nous avons dit plus haut qu’il existe aussi des vérités de fait , et il est certain qu’aussi longtemps que nous ne sommes pas allés sur la lune les corps étaient pesants, et que pour l’éternité la shoah a eu lieu même si elle n’était fondamentalement que « possible » avant qu’elle n’ait lieu .

Il y a donc une hierarchie à établir au sein des vérités mais dans tous les cas je ne suis pas libre de dire ce que je veux en niant l’existence des camps…LENINE rappelle à juste titre que « les faits sont têtus »…

Allons plus loin :

 

            c )   Les faits sont rationnels !

 

D’ailleurs , ne peut-on pas rationaliser les faits ? les phénoménes naturels obéissent à des lois qui ne sont autres que les lois de la « divine raison » qui s’incarnent dans les mathématiques  .

« La philosophie est écrite dans  cet immense livre qui se tient toujours ouvert devant nos yeux, je veux dire l’Univers, mais on ne peut le comprendre si l’on ne s’applique d’abord à en comprendre la langue et à connaître les caractères avec lesquels il est écrit.Il est écrit dans la langue mathématique et ses caractères sont des triangles , des cercles et autres figures géométriques, sans le moyens desquels il est humainement impossible d’en comprendre un mot.Sans eux, c’est une errance vaine dans un labyrinthe obscur. »

GALILEE L’Essayeur (232) Les Belles Lettres

Cette possibilité de soumettre la nature à la raison trouve son aboutissement dans l’avènement du déterminisme dont LAPLACE est reconnu comme le meilleur représentant .          

 Le principe de causalité apparaît comme une sorte de compromis entre l’exigence d’identité de l’esprit et , l’irrationalité ,au moins en apparence, d’un univers en perpétuel devenir .

 

Les faits historiques ne sont-ils pas rétifs à toute incorporation dans la rationalité ? par définition même, le fait qui ici s’appelle événement, n’échappe-t-il pas à tout prévision , et par la même,  à toute possibilité d’un discours rationnel ? HEGEL a affirmé que : « le réel     est rationnel et que le rationnel est réel », non d’une rationalité logique ni même analytique mais d’une rationalité dialectique.

Cela implique ici que le devenir historique qui semble échapper à toute loi , toute rationalité, obéit au contraire à une logique que le philosophe doit dégager.

Destin ici ou déterminisme ?

 

            d )Et sur le plan moral ?

 

La vérité est-elle là encore en option ? Que signifie , dans ce cas l’indépendance de la vérité ?

Le niveau moral de l’interrogation consiste à s’interroger non sur ce que nous faisons (mœurs) mais sur ce que nous devons faire si nous prétendons agir moralement .

Dans le cas de la vérité, ne sommes nous pas obligés de dire la vérité quelles que soient les conséquences et les circonstances ? S’il dépendait de nous et de notre appréciation pour juger de l’opportunité de la vérité ou du mensonge ne risquerait-on pas de ruiner toute morale et plus précisément de ruiner tout contrat , toute relation fondée sur la confiance entre les hommes ? Cf texte de KANT.

Les principes de la morale résistent autant que les principes de la logique car ils émanent de la même raison et qu’il est aussi évident que « 2 et 2 font 4 , et qu’il faut préférer son ami à son chien » MALEBRANCHE

 

Transition par l’analyse des présupposés :

 

En aval :

Qui est celui qui reconnaît la vérité ? 

 

Si la vérité est indépendante de nous , cela signifie que nous sommes fondamentalement passifs , en admettant qu’il faille reconnaître la vérité, il est évident que nous devons nous incliner face à elle ? c’est sans doute la raison pour laquelle  vérité   DESCARTES insiste sur la primauté de l’intuition sur la déduction. Nous avons montré l’importance du raisonnement déductif plus haut mais il provient en fin de compte d’une limitation de notre entendement et peut toujours être sujet à caution . Si nous avions  un entendement infini , nous n’aurions nul besoin de le déduction , nous verrions d’un seul coup d’oeil ,sans les lourdeurs du raisonnement , et la mémoire toujours fragile , les longues suites de démonstrations .

Si la certitude est le point de départ de toute vérité chez DESCARTES , il n’en demeure pas moins que l’évidence servira son critère . ( 1ère règle de la méthode : « N’admettre jamais rien pour vrai que je ne connusse très evidemment être tel »et la dernière « faire des dénombrements si entiers que je fuse assuré de ne rien omettre. » :toujours se méfier de la mémoire qui n’ est pas la raison !

 

En amont :

 

Fondement métaphysique de la vérité :

 

Or le primat de l’intuition sur la déduction implique également que la raison ne soit pas en nous mais en DIEU . En effet , si nous sommes capables de tenir un discours rationnel , si nous sommes capables de faire des mathématiques ou d’adopter un comportement moral , c’est parce que la raison est d’abord en DIEU. Au XVII ème siècle , La raison est communément appelée « lumière naturelle » et justement l’idée de lumière implique que nous ne sommes pas la source de cette lumière et que c’est elle qui nous éclaire.Connaître c’est véritablement disposer d’une théorie , c’est-à-dire voir ( ora ) en Dieu (théos) ;dans le mot théorie, il y a l’idée de voir quelque chose de grand et qui nous domine.

 

 La connaissance comme réminiscence comme aussi la dimension contemplative du savoir (   la traduction latine de théorie c’est  la contemplation et contemplari ,c’est l’acte de l’augure qui délimite le sol sur un espace et qui en même temps considère un espace du ciel ; le « cum »  vient de cette simultanéité du regard sur le ciel et la terre . ; l’augure voit d’un regard le cercle sacré sur la terre et dans le ciel, et ici aussi il y a l’idée d’une totalité, comme dans le mot théorie ) ;ou plus « près » de nous ( !) la thèse de l’innéisme et l’aporie de l’athéisme pour expliquer la possibilité des mathématiques dans la première partie des Méditations métaphysiques ( § 10), illustrent parfaitement la nécessité de ce recours.

En ce qui concerne l’histoire , il sera alors tout aussi « évident » que les hommes ne seront pas les auteurs de leur histoire mais plus simplement les acteurs d’une pièce qu’aucun d’eux n’aura rédigée mais que la Providence ou plus laïquement le Progrès aura élaborée.

 

On le voit une telle représentation de la vérité, si elle permet d’en garantir l’absoluité exige que l'on dépasse le sensible : l’existence  d’une transcendance qu’on l’appelle DIEU ou le PROGRES ou la RAISON (dans les choses et dans l’homme ensuite ).    qui garantisse que LA vérité  ne soit pas simplement la nôtre. Cette exigence est plus essentielle encore en matière de morale qui plus encore que la vérité dans les sciences intéresse tout le monde  et c’est sans doute la raison pour laquelle ROUSSEAU à la suite du christianisme  faisait de la conscience morale « un instinct divin ».

Or une série de questions et de difficultés se posent :

Si la vérité ne dépendait pas de nous comment pourrions –nous éprouver l’erreur, comment pourrions-nous en sortir, la rectifier, pour être enfin dans le vrai ? ne sommes –nous pas actifs et auteurs de la vérité ? Ces questions nous imposent de repenser le fondement de la vérité .

 Ne peut-on pas fonder la vérité de façon « plus économique » ? Nous savons en outre que la raison  peut juste nous dire que Dieu est possible , ce qui revient à dire que l’énoncé « Dieu existe » n’est pas vrai , ni faux d’ailleurs !!! 

Autrement dit , la raison ne peut-elle pas être humaine , rien qu’humaine et néanmoins capable de vérité ?

 Les facultés  intellectuelles et sensibles de l’homme ne lui permettent-elles pas d’établir des vérités de raison (les mathématiques) et de connaître le réel ? ou plus exactement le pouvoir de sentir que pas même DESCARTES ne nie (cf MM 2 § 3  ) ne peut-il pas être à l’origine de nos vérités , c’est-à-dire maintenant de nos connaissances ?

On le voit la question se transforme et nous impose de nous interroger non plus sur le fondement de la vérité mais sur l’origine de notre connaissance et de remplacer en somme la métaphysique par la psychologie et peut-être la morale par la sociologie …

 

 

 

 

2      La vérité et le problème de l’origine de la connaissance :

 

 

 

 a ) l'hypothèse de l’empirisme .

 

 

On s’en souvient , L’indépendance de la vérité lui imposait un fondement transcendant et faisait de la raison nous offrant des vérités universelles et nécessaires une faculté prouvant que nous étions « à l’image de Dieu ».

A-t-on besoin pourtant d’une telle explication ? D’où viennent nos connaissances ?

L’empirisme se présente comme une critique de la thèse des vérités innées . Le principal argument de l’innéisme tient au fait qu’il existerait « un consentement universel entre les hommes » (J LOCKE) : ce qui ne pourrait s’expliquer que par le caractère inné de ces notions, puisque l’expérience diffère de sujet à sujet et serait incapable d’engendrer une unanimité. Or « il n’y a aucun principe sur lequel tous les hommes s’accordent généralement » : le principe de non-contradiction , par exemple, ne serait nullement une vérité une et universelle puisque « les enfants et les idiots » n’en ont pas la moindre idée et qu’il doit être acquis par l’éducation .

L’inné est en fait composé d’une multiplicité d’acquis : pour finir par reconnaître immédiatement qu’il est impossible qu’une chose soit et ne soit pas en même temps ( ce qu’un jeune enfant ne saura faire), il faut déjà aoir aperçu et admis que la nourrice n’est pas le chat ou que la moutarde (que l’enfant refuse ) n’est pas la pomme qu’il veut manger . l’innéisme est juste le résultat de l’abstraction mais c’est l’expérience et la sensation qui sont premières . l’esprit ne content donc aucune idée innée mais c’est au contraire une table rase à la naissance  et tout lui vient par la sensation et la reflexion sue ses sensations , c’est ce qu’on appelle l’expérience .

Il suffira de montrer que les mathématiques reposent totalement sur les principes de la logique et donc sur l’expérience pour prouver qu’elles n’ont pas besoin d’être des idées innées et que par conséquent elles n’ont pas besoin de Dieu pour se trouver en nous , nous sommes capables de les inventer et pas seulement de les découvrir !

La distinction leibnizienne serait donc érronée car il n’existerait   plus que des vérités de fait .

La question de la relation causale est donc aussi réglée , s’il n’existe que des faits, la seule relation que nous puissions établir entre deux phénomènes sera issue de l’observation et ne pourra se faisant prétendre devenir une loi universelle   nécessaire telle que le déterminisme l’avait prétendu . Nous serons donc bornés en ce qui concerne l’étude de la nature à l’induction . Cf HUME c'est le risque si l’on refuse l’innéisme .Il faudra donc substituer à l’idée de nécessité , l’idée d’habitude de voir les phénomènes joints l’un à l’autre ce qui signifie que la science devra accepter que les lois ne sont que probables et que par conséquent nous devons renoncer à toute certitude.

 

IL ne sera donc plus possible, a fortiori ,de rationaliser les faits historiques , tout au plus fera –t-on une chronique des faits du passé.

 

Parallèlement , en matière de morale si la vérité dépend de nous cela signifiera que nous devons en fait calculer les conséquences de notre acte et ne pas nous fier simplement  à la pureté des principes . cf le pragmatisme et la polémique de KANT avec B. CONSTANT.

 

Allons plus loin :

 

   b ) Qui parle ?

 

   si nous validons le questionnement concernant le primat de l’origine de nos connaissances sur le fondement de la vérité nous ne pouvons pas refuser la radicalité de l’interrogation nietzschéenne recourant à la psychologie des profondeurs pour invalider la suprématie non seulement de la morale mais de la logique .

« On peut dire que le point de vue  psychologique se distingue radicalement du point de vue logique et métaphysique .

Le logicien étudie comme le psychologue les opérations de notre esprit mais pas de la même façon. Le logicien analyse un jugement afin d’apprécier la valeur par rapport à une norme qui est le vrai.Ce qui intéresse le logiciens se sont les raisons d’un jugement. Le psychologue n’a pas à s’occuper directement de le vérité ou de la fausseté d’un jugement. IL ne se demande pas si un jugement est vrai ou faux, mais pourquoi ce jugement a été porté par telle personne dans telle circonstances. On pourrait dire que le logicien cherche un fondement et le psychologue une origine . Le psychologue ne s ‘ intéresse pas aux raisons  qui justifient mais aux causes qui expliquent » cf Manuel Vergez et Huismans.  Fernand Nathan tome 3.   Et NIETZSCHE, en tant que psychologue  ne déroge pas à la règle , il radicalise même cette attitude puisqu’il va se demander quel est celui qui a besoin de la logique .

 NIETZSCHE se demande non pas ce qu’est la vérité mais qui est celui qui a besoin de vérité ?

Qui parle ?

 Le principe de non –contradiction est-il à ce point fondamental ? Comme par hasard rationalistes et empiristes  y enracinent leur propos mais d’où vient-il ce «  besoin » ?

On ne peut dès lors que récuser toute volonté de vérité .

Ne faudra-t-il   pas admettre la radicalité de la notion d’interprétation, c’est-à-dire , le refus de toute vérité par le soupçon toujours vérifié de la dimension subjective de tout énoncé si « objectif » soit-il ?

Dire que « les faits sont têtus » implique que les faits existent, or rien n’est moins sûr .

L’histoire est une curieuse science dont l’objet n’existe pas , il n’est pas présent et pour cause il faut donc se le re-présenter. Tout se passe comme si l’histoire comme réalité n’avait d’existence que par l’histoire comme discipline et comme savoir. La confusion du français est à cet égard riche d’enseignement . Les allemands distinguent Historie et Geschichte , les anglais , de même,  avec history et story .En français, l’histoire comme réalité se dit du même mot que l’histoire comme savoir, le français d’habitude si analytique serait ici plutôt approximatif ! Belle intuition pourtant que cette confusion !

Elle faisait dire à un célèbre historien que « l’histoire de l’Egypte, c’est l’histoire de l’égyptologie », autrement dit que nous ne connaissons le passé que grâce à ce que l’on nous dit du passé, ce qui n’est pas le cas des autres diciplines : les êtres vivants existent ailleurs que dans les livres de biologie et les étoiles ailleurs que dans les manuels d’astronomie, mais le passé où réside -t-il si justement il est passé et n’est plus ?

Ne peut-on pas dire ce que l’on veut en histoire ? Si l’histoire n’est que la re-présentation du passé, comment cette re-présentation ne serait-elle pas par définition subjective ?

L’historiographie qui est   l’histoire de la façon d ‘écrire l’histoire ne révèle-t-elle pas une grande diversité ?

Cf texte de VALERY sur l’histoire . « L’histoire justifie ce que l’on veut… »

 

La conséquence de l’empirisme et du psychologisme nietzschéen c’est le scepticisme voire même le relativisme et l’impossibilité d’énoncer quoi que ce soit de « vrai » qui ne soit pas au fond taxé d’utile à quelqu’un ( les faibles, les hommes du ressentiment ) ou à quelque chose (la société).

Nous sommes donc dans une impasse puisque nous ne pouvons ni revenir à la thèse de l’innéisme ni nous contenter de l’empirisme fossoyeur de toute idée de vérité ; quelle solution pouvons –nous admettre ?

 

 

 

 

 

3      La relativité de la connaissance n’est pas le relativisme .

 

            a ) Comment la vérité est-elle possible ? (la « déduction transcendantale »)*

 

L’empirisme ne peut rendre compte des jugements synthétiques a priori.

or ils existent : les mathématiques et la physique sont des sciences non des conjectures. Donc « Si toute notre connaissance commence  avec l’expérience ,il ne s ‘ ensuit pas qu’elle dérive toute de l’expérience « .

Le travail de KANT va donc consister à mettre au jour les deux sources de notre connaissance (notre pouvoir de connaître) ; il y a certes la sensibilité qui nous fournit des intuitions mais aussi l’entendement qui nous fournit des concepts.

Pour que l’on puisse parler de connaissance , il faut le concours de ces deux facultés : une intuition sans concept est  « aveugle » cf le « sauvage qui voit un palais » et un concept sans intuition : « vide » ; ainsi si mon concept de cause est sans intuition , je peux m’imaginer être capable de forger l’ Idée d’une cause première incausée , c’est-à-dire DIEU.

 Qu’est-ce qu’une connaissance ? Que nécessite-t-elle ?

Une connaissance est un jugement où l’on affirme quelque chose à propos de quelque chose.

Il y a deux types principaux de jugements :

Les jugements analytiques qui sont a priori : si je dis que tous les corps sont étendus, en attribuant l’extension à mon concept je ne fais que dégager une propriété qui s’y trouve nécessairement : je ne peux concevoir un corps qui ne serait pas étendu . 

 les jugements synthétiques : si mon concept est empirique ( formé à partir de l’expérience ) et que je dis :  «  cette rose est rouge »  .

Le concept est fourni par l’entendement , tandis que l’intuition est donnée (reçue du dehors). Pour dire que la rose est rouge je posséde mon concept  (empirique ici) et une intuition( une perception) du rouge vient la compléter .Mais, à la différence du jugement analytique ,ce jugement est contingent puisqu’il nécessite l’expérience : je peux concevoir une rose blanche ou rose ou noire sans que cela contredise mon concept .

Autrement dit ,  c’est l’expérience et l’expérience seulement qui m’informe de ce qui vraiment existe (et cela sera vrai des concept rationnels non issus de l’expérience : les catégories de l’entendement ) mais le problème c’est qu’il existe des jugements d’un 3ème type qui ne  semblent pas compréhensibles par la seule analyse et donc par le seul respect du principe d’identité mais qui pourtant ne sauraient reposer sur l’expérience sans que leur universalité soit dicréditée . De tels jugements, KANT va les appeler des jugements synthétiques a priori et tout l’objet du plus célèbre ouvrage de KANT , la critique de la raison pure  sera de se demander « comment sont possibles les jugements synthétiques a priori . »

KANT va donc montrer que certes il nous faut toujours une intuition et un concept mais que ceux –ci sont de deux types il y a les intuitions et les concepts empiriques , ceux de l’expérience ordinaire et l’intuition et les concepts purs ou a priori (il appelle ces derniers « les catégories de l’entendement ») .

 l’intuition pure  ( l’espace et le temps sont les formes a priori de notre sensibilité et les concepts de l’entendement sont  les cadres subjectifs mais universels   de notre connaissance.) cf texte sur THALES .

A partir de KANT la subjectivité est la source de l’objectivité , il ne faudra plus confondre objectivité et extériorité , mais du même coup nous n’avons plus de connaissance des objets en eux –mêmes mais seulement à partir de ce cadre dont nous ne pouvons sortir.La connaissance est donc relative à nous mais pourtant certaine !!!

 Ainsi s’accomplit la révolution kantienne qui est de dire au fond que « notre connaissance ne se règle pas sur les objets , mais que ce sont les objets qui se règlent sur notre connaissance. » 

              .Certes , on peut considérer que la solution transcendantale reste trop problématique, il n’en demeure pas moins que l’épistémologie contemporaine , consciente de l ‘écueil représenté par l’empirisme a cherché à fonder un critère qui évite la solution transcendantale et qui évite aussi le scepticisme inhérent à l’empirisme .

Elle consiste à dire qu’il n’y a aucun fondement positif du savoir mais s’il y a un moyen positif d’éviter l’erreur , c’est que nous savons ce que c’est (l’erreur ) et comment on établit qu’une vérité est fausse . De fait, nous avons toujours le moyen, à défaut de trancher pour une théorie, de trancher contre elle : l’expérience ne peut pas vérifier et justifier un énoncé, mais elle peut l’infirmer . On tient là un critère négatif mais un critère tout de même.

POPPER et le critère de falsifiabilité .

 

Il reste cependant un problème de taille car il en va de la légitimité des sciences humaines.

 

b )  L’interprétation peut-elle avoir une valeur ?

 

Ayant assuré la validité des jugement synthétiques a priori , devons –nous nous en contenter et admettre que règne l’arbitraire le plus absolu dans le domaine des sciences humaines ? Marxisme et psychanalyse ne sont-ils que des interprétations arbitraires sans aucune valeur scientifique ? N’ y –a-t-il au fond que des sciences démonstratives , doit-on renoncer à une science de l’interprétation ?

Le négationnisme n’est-il qu’une interprétation possible et qui n’a de limite que celle que lui oppose  celle de l’histoire officielle ?

Il faut rappeler qu’en matière d’histoire, le travail de reconstitution du passé exige aussi des preuves, qu’on appelle « documents  » . Ils peuvent être soumis à l’examen des sciences de la matière pour vérifier l’exactitude d’une datation,par exemple. Mais le travail de l’historien ne saurait  s’arrêter à la critique des documents , il  doit  comprendre les faits , c’est-à-dire les interprèter ; il ne suffit pas de dire ce qui s’est passé , encore faut-il comprendre pourquoi même s’il s’agit de « l’incompréhensible »   H. ARENDT ( Les origines du totalitarisme )souligne que l’esprit exige des explications . La difficulté est de donner des causes qui soient à la hauteur des faits incriminés ; ainsi la montée du nationalisme semble-t-elle insuffisante à H.ARENDT pour expliquer l’antisémitisme qui, dit-elle, était inexistant à l’heure de gloire des Etats- nations.

Passant en revue les différentes interprétations possibles de l’antisémitisme , elle réfute autant la thèse du bouc émissaire que la thèse inverse de la haine éternelle du Juif qui ne saurait rendre compte de cet événement unique qu’est l’Holocauste.

C’est, au contraire,  au moment de la montée du totalitarisme , par essence , supra-national  que l’antisémitisme s’est fait jour.    L’historien doit, parmi la masse des faits ,dégager les plus importants mais, d’autre part, chercher  le fil conducteur qui permet de les relier.       C’est en cela que consiste précisément le travail d’interprétation et que l’on pourrait nommer jugement réfléchissant par opposition au jugement déterminant.

Le temps est donc venu de dire ce que l’on entend par interpréter et les résultats de notre reflexion peuvent déjà nous dire de quoi il y a interprétation et de quoi il n’y a pas interprétation , autrement dit quelles sont les limites que l’on peut assigner à l’interprétation si l’on veut que le mot de vérité garde un sens et que le mot d’interprétation ne signifie pas tout et son contraire.

Prétendre à l’instar de NIETZSCHE que la non-contradiction est susceptible d’une interprétation rend impossible tout discours , aussi devons –nous considérer que les énoncés formels qui excluent le sens et l’équivocité ne peuvent pas faire l’objet d’une interprétation mais sont excluent de l’interprétation ou tout du moins d’une interprétation qui se voudrait rigoureuse les énoncés dont le sens seraient totalement indécidables comme les propos d’un fou    .

Interpréter quelque chose suppose que ce quelque chose ait du sens mais que ce sens puisqu’il faut l’interpréter ne soit pas obvie mais caché.  Autrement dit , c’est un texte qui doit être interprété.

PLATON , dans son dialogue du Phèdre rappelle qu’un texte écrit est orphelin et qu’on lui faire dire n’importe quoi puisqu’il n’a plus son père et que le « con-texte » qui lui a donné naissance a disparu.

Mais si l’on sait  que l’on a pas devant soi des énoncés logiques ou mathématiques , si l’on sait que l’on a pas affaire à un fou , on doit faire le pari du sens et d’abord s’attacher à la « lettre » du texte, c’est ainsi que la première science de l’interprétation , celle de l’interprétation   des textes sacrés ou herméneutique a vu le jour . IL ne s’agit pas d’inventer un sens qui ne s’y trouve pas mais de retrouver « l’esprit » du texte derrière « la lettre », mais « la lettre » n’est pas rien ! IL y donc des règles qui se dégagent du travail interprétatif .

Même si le travail de l’interprétation ne s’arrête pas à l’interprétation de la Bible, il est évident que les herméneutiques modernes traitent des faits humains comme s’il y avait un sens caché et plus exactement inconscient à nos comportements. Cf textes de KANT ,ENGELS   de FREUD et de BOAS .

 

           c )  Et la morale ?

 

Là encore si l’on veut éviter le scepticisme et le relativisme nous ne pouvons que refuser le pragmatisme , car « il faut préférer son ami à son chien » comme le disait MALEBRANCHE, toutefois il nous semble certain qu’aucun principe ne puisse éviter que nous ne jugions le cas auquel il  s’applique car en la matière il nous faut toujours recourir à la prudence qui ne tranche jamais d’avance .

 

 

CONCLUSION :

A la question de savoir si la vérité dépend de nous , nous avons tâché de montrer quel e concept de vérité était incompatible avec une dépendance vis à vis de nos subjectivités, car si la vérité dépendait de nous , la vérité se réduirait à une affaire de goût, or comme chacun le sait , des goûts et des couleurs , on ne discute point…Mais les présupposés permettant de garantir l’indépendance de la vérité nous ont semblé trop spéculatifs (innéisme cartésien ), aussi est-ce dans la philosophie transcendantale que nous avons pu transformer la nécessité en universalité . Les mathématiques sont vraies parce qu’elles sont valables pour tout esprit raisonnable. C’est donc bien dans la subjectivité que l’on peut fonder la vérité mais dans une subjectivité considérée comme identiques pour tous les hommes .ET si l’on doit garder quelque chose  de l’empirisme ainsi que le suggère POPPER , c’est bien celui de l’intersubjectivité.

 C’est en confrontant ces idées avec les autres que le scientifique, qu’il soit physicien ou historien , permet de progresser dans la recherche de la vérité .

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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