Egise du Marin, XVIII ème siècle , Martinique .
LA RELIGION : Qu’est-ce qui motive la croyance religieuse ?
RQ : Le sujet se présente de façon non dialectique mais on peut grâce à un travail d’analyse sur les mots découvrir le paradoxe . Ici le verbe motiver est très riche puisqu’il donne deux substantifs : mobile et motif, or ces mots nous renvoient à l’opposition du désir et de la raison, on peut donc, ici aussi, transformer ce sujet en sujet dialectique . Il nous renvoie au problème de la foi et de la raison .
La croyance religieuse désigne à la fois, objectivement, un contenu qui nous indique comment penser et comment vivre mais aussi, subjectivement, une certaine façon d’approuver ce contenu , on y croit justement , c’est-à-dire , qu’on y adhère volontairement . Précisément, qu’est-ce qui motive la croyance religieuse ? Il s’agit de savoir pourquoi on adhère à une croyance religieuse , plus précisément, quelles sont les causes qui pousse une conscience à croire .
A priori, la croyance est confiance , une adhésion qui se passe de preuve . Si je commence à réclamer des preuves de la confiance que j'ai en quelqu'un ou quelque chose, c'est que je suis méfiant !
Il y aurait alors essentiellement des mobiles d’ordre affectif, relevant plus du désir que de la raison.
Toutefois, la croyance religieuse s’efforce de se justifier et de s’appuyer sur la raison , la théologie rationnelle en est l’exemple majeur . La Foi montre par là qu’elle a de solides motifs .
Le problème , concerne donc le fondement de la croyance religieuse, le rapport de la foi et de la raison : la croyance religieuse repose-t-elle sur des mobiles ou sur des motifs ?
Si on considère que la croyance ne repose que sur des mobiles, alors on lui interdit de discuter avec la raison et la philosophie mais on risque ainsi de la livrer au silence dont on ne sait jamais s’il na va pas mener à la violence . Si on considère qu’elle a de bonnes raisons et même qu’elle est rationnelle, alors elle peut discuter et dialoguer avec la philosophie mais on risque de la nier comme croyance . L’enjeu serait de savoir si la croyance peut discuter avec la raison sans se nier comme croyance et sans risquer un silence toujours suspect . Se pourrait-il qu’il fût raisonnable de croire ?
1 Les mobiles de la croyance :
A la limite , et puisque la foi se passe de preuve, on peut adopter le point de vue de St AUGUSTIN ou de TERTULLIEN : "Credo quia absurdum", "je crois parce que c'est absurde " . On doit assumer alors une attitude fidéïste susceptible de couper court à tout dialogue avec la raison , avec le non-croyant mais aussi avec soi-même . Mais cela implique un renoncement incompatible avec la définition de l'homme comme "animal raisonnable". Il est nécessaire de forcer le croyant à s'expliquer , quitte à ce que les arguments soient insuffisants .
1.1 Des mobiles conscients :
Le plus importants de tous : la peur de la mort , les rites funéraires sont apparus avant même les manifestations de l’art . Les préhistoriens s’accordent à dire que l’homme de Neanderthal, qui n’est donc pas encore l’homo sapiens, enterre ses morts . L’existence de ce rite marque à leurs yeux un passage essentiel de l’animalité à l’humanité . On peut penser que Néanderthal se représente la mort et sans doute ne l’accepte pas sans l’idée d’une continuïté dans un Au-Delà .
Texte N°1
« Mille fois et dans mille volumes on a dit que le culte des ancêtres morts est ce qui suscite communément les religions primitives, et il convient rigoureusement de dire que ce qui distingue le plus l’homme des autres animaux, c’est qu’il garde, d’une manière ou d’une autre, ses morts sans les abandonner à la négligence de notre mère la terre féconde qui enfante tout ; c’est un animal garde-morts (…)
Quand on ne bâtissait pour les vivants que des cabanes de paille ou de terre que les intempéries ont détruites, on élevait des tombeaux aux morts, et la pierre trouva son emploi pour les sépulcres avant de servir aux habitations ; les maisons des morts, et non celles des vivants, ont par leur solidité vaincu les siècles ; non les auberges de passage, mais les demeures permanentes. »
Miguel de UNANUMO , le sentiment tragique de la vie .1912
Pourquoi cette peur ? Pourquoi ces rites ?
Texte N°2
« Constatant que tout ce qui vit autour de lui finit par mourir, il est convaincu qu’il mourra lui-même. La nature, en le dotant d’intelligence, devait bon gré mal gré l’amener à cette conviction. Mais cette conviction vient se mettre en travers du mouvement de la nature. Si l’élan de vie détourne tous les autres vivants de la représentation de la mort, la pensée de la mort doit ralentir chez l’homme le mouvement de la vie. Elle pourra plus tard s’encadrer dans une philosophie qui élèvera l’humanité au-dessus d’elle-même et lui donnera plus de force pour agir. Mais elle est d’abord déprimante, et elle le serait encore davantage si l’homme n’ignorait, certain qu’il est de mourir, la date où il mourra. L’événement a beau devoir se produire : comme on constate à chaque instant qu’il ne se produit pas, l’expérience négative continuellement répétée se condense en un doute à peine conscient qui atténue les effets de la certitude réfléchie. Il n’en est pas moins vrai que la certitude de mourir, surgissant avec la réflexion dans un monde d’êtres vivants qui était fait pour ne penser qu’à vivre, contrarie l’intention de la nature. Celle-ci va trébucher sur l’obstacle qu’elle se trouve avoir placé sur son propre chemin. Mais elle se redresse aussitôt. À l’idée que la mort est inévitable elle oppose l’image d’une continuation de la vie après la mort ; cette image, lancée par elle dans le champ de l’intelligence où vient de s’installer l’idée, remet les choses en ordre ; la neutralisation de l’idée par l’image manifeste alors l’équilibre même de la nature, se retenant de glisser. Nous nous retrouvons donc devant le jeu tout particulier d’images et d’idées qui nous a paru caractériser la religion à ses origines. Envisagée de ce second point de vue, la religion est une réaction défensive de la nature contre la représentation, par l’intelligence, de l’inévitabilité de la mort. »
BERGSON les deux sources de la moral et de la religion .
Cette justification de la croyance par la peur de la mort n’inaugure que la religion close mais il est évident que c’est aussi là que réside la justification de l’idée même de religion . Il serait même possible d’arrêter là notre réflexion . Mais si c’est la peur qui motive , on est donc loin de la raison, on pourrait même envisager que la religion soit l’expression de mobiles inconscients .
1.2 des mobiles inconscients : La religion comme illusion .
a) l’interprétation freudienne .
Texte N°3
"Les idées religieuses, qui professent d'être des dogmes, ne sont pas le résidu de l'expérience ou le résultat final de la réflexion : elles sont des illusions, la réalisation des désirs les plus anciens, les plus forts, les plus pressants de l'humanité ; le secret de leur force est la force de ces désirs. Nous le savons déjà : l'impression terrifiante de la détresse infantile avait éveillé le besoin d'être protégé - protégé en étant aimé - besoin auquel le père a satisfait ; la reconnaissance du fait que cette détresse dure toute la vie a fait que l'homme s'est cramponné à un père, à un père cette fois plus puissant. L'angoisse humaine en face des dangers de la vie s'apaise à la pensée du règne bienveillant de la Providence divine, l'institution d'un ordre moral de l'univers assure la réalisation des exigences de la justice, si souvent demeurées non réalisées dans les civilisations humaines, et la prolongation de l'existence terrestre par une existence future fournit les cadres du temps et le lieu où les désirs se réaliseront. Des réponses aux questions que se pose la curiosité humaine touchant ces énigmes : la genèse de l'univers, le rapport entre le corporel et le spirituel, s'élaborent suivant les prémisses du système religieux. Et c'est un énorme allègement pour l'âme individuelle de voir les conflits de l'enfance - conflits qui ne sont jamais entièrement résolus - lui être pour ainsi dire enlevés et recevoir une solution acceptée de tous. [...]
Nous le répéterons : les doctrines religieuses sont toutes des illusions, on ne peut les prouver, et personne ne peut être contraint à les tenir pour vraies, à y croire. Quelques-unes d'entre elles sont si invraisemblables, tellement en contradiction avec ce que nous avons appris, avec tant de peine, sur la réalité de l'univers, que l'on peut les comparer - en tenant compte comme il convient des différences psychologiques - aux idées délirantes. De la valeur réelle de la plupart d'entre elles il est impossible de juger. On ne peut pas plus les réfuter que les prouver."
Freud, L'Avenir d'une illusion (1927), trad. M. Boniface, Paris, éd. PUF, coll. Quadrige, 2e
éd. 1996, pp. 43-46.
Qui a besoin de religion ? Telle est la question du texte et non pas : la religion est-elle vraie ? Il s'agit d'interpréter, non de réfuter .Il s'agit de dégager le sens profond de la religion, non de dire qu'elle est fausse .
La réponse de FREUD : 1, celui qui a besoin ou désire (ici la distinction n’est pas fondamentale) d’être protégé , qui a besoin, 2 , du règne de la justice et 3, celui qui veut des réponses à ses questions métaphysiques .
La religion répond à un désir, un désir tellement fort qu’il engendre la croyance en la réalisation de ses désirs . Autrement dit la religion est une illusion .
Une illusion se présente comme une erreur dans la mesure où dans les deux cas , on est dans l’ignorance . Mais l’erreur c’est ce qui se donne pour la vérité, tandis que l’illusion , c’est ce qui se donne pour la réalité. C’est pourquoi, l’illusion est si difficile à combattre . On peut en effet rectifier une erreur, mais l’illusion persiste malgré la rectification . Ainsi, nous savons que le soleil tourne autour de la terre, mais nous sommes toujours victimes de l’illusion. Que nous soyons ou non prix Nobel d’astronomie, nous voyons le soleil tourner . L’illusion du géocentrisme est exemplaire car si on l’explique , on comprend que c’est notre position dans l’espace et la précipitation de notre jugement qui l'engendre. Nous identifions la perception que nous avons du réel avec le réel , nous confondons ce que nous voyons avec ce qui est. Par extrapolation, on peut considérer la religion comme une extériorisation de ce que nous ressentons sur les choses, c’est pourquoi le désir semble être la source de nos illusions . Nous prenons nos désirs pour des réalités !!! On comprend pourquoi FREUD ne peut réfuter la religion mais plutôt chercher montrer à quel désir elle répond .
Mais cela le rend aussi assez pessimiste : comment combattre une illusion, comment détruire un désir ?
On comprend pourquoi celui qui possède un savoir et qui n’est plus dupe d'une illusion ne peut amener l'ignorant au savoir avant que ce dernier n'ait pris consncience de son ignorance ! Celui qui est dans l’illusion croit qu’il sait , alors qu’en fait il ignore qu’il croit et donc ignore qu’il ignore ! Mystère de l'enseignement ! On ne réfute pas un désir !
b) l’interprétation marxiste :
Texte N°4
Le fondement de la critique irréligieuse est celui-ci : L'homme fait la religion, ce n'est pas la religion qui fait l'homme. La religion est en réalité la conscience et le sentiment propre de l'homme qui, ou bien ne s'est pas encore trouvé, ou bien s'est déjà reperdu. mais l'homme n'est pas un être abstrait, extérieur au monde réel. L'homme, c'est le monde de l'homme, l'Etat, la société. Cet Etat, cette société produisent la religion, une conscience erronée du monde, parce qu'ils constituent eux-mêmes un monde faux. La religion est la théorie générale de ce monde, son compendium encyclopédique, sa logique sous une forme populaire, son point d'honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa raison générale de consolation et de justification. C'est la réalisation fantastique de l'essence humaine, parce que l'essence humaine n'a pas de réalité véritable. La lutte contre la religion est donc par ricochet la lutte contre ce monde,dont la religion est l’arôme spirituel.
La misère religieuse est, d'une part, l'expression de la misère réelle, et, d'autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l'âme d'un monde sans coeur, de même qu'elle est l'esprit d'une époque sans esprit. C'est l'opium du peuple.
Le véritable bonheur du peuple exige que la religion soit supprimée en tant que bonheur illusoire du peuple. Exiger qu'il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c'est exiger qu'il soit renoncé a une situation qui a besoin d'illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l'auréole.
MARX
La problématique marxiste est évidemment différente mais la démarche est similaire , là encore , il ne s’agit pas de réfuter la religion mais de montrer à quelle nécessité elle répond .
La question est donc la même : Qui est celui qui a besoin de religion ?
La réponse : C’est celui qui vit dans une société qui a besoin de religion . Là encore , l’attaque n’est pas directe . « la religion , c’est l’opium du peuple » .
L’opium n’est pas une drogue au sens d’une substance illicite destinée à nous faire voir « des éléphants roses » , mais un anesthésiant . L’avantage d’un anesthésiant c’est qu’il nous fait supporter la douleur, mais son inconvénient c’est qu’il cache la vraie cause de la maladie et ne traite que le symptôme .
Si nous voulons guérir , il faut arrêter l’anti-douleur afin que nous puissions faire le bon diagnostique et nous attaquer aux vraies causes . Ainsi ce n’est pas la religion qui est cause de la maladie , elle n’en est que « l’arôme » . La critique ne s’adresse pas tant à la religion qu’à une société qui a besoin d’anti-douleur ! (religion).
Si l’on supprime cet anti-douleur, certes on souffrira mais on révèlera les vraies causes , celles de l’exploitation de l’homme par l’homme et on pourra enfin adopter la thérapie idoine .
Or, une société qui a besoin de religion, qui donc la produit, a mis le monde à l’envers .
Contrairement à la pensée commune , ce ne sont pas les idées qui mènent le monde, mais le monde qui mène les idées . Dans le langage de MARX , « ce n’est pas la conscience qui détermine la vie mais la vie qui détermine la conscience », si l’on veut comprendre ce que les hommes pensent, il faut partir de leurs conditions concrètes d’existence et non de la représentation qu’ils s’en font . Ce renversement causal a pourtant une finalité cachée, celle de jeter un écran de fumée sur la réalité de la domination d’une classe sociale sur une autre.
Ainsi, la religion fait vraiment partie de l’Idéologie , en ce sens qu’elle met le monde à l’envers , comme dans une chambre obscure de vieil appareil photographique, moyennant quoi, elle est un discours dont la forme est universelle mais qui sert, en réalité, les intérêts de la classe dominante .
Se passer de l’anesthésiant de la religion nous permettra de révéler les vraies causes de la maladie en mettant le monde dans le bon sens : c’est bien « la vie qui détermine la conscience », les conditions matérielles d’existence et la religion est destinée à maquiller ce rapport .
T°
Ce type de critique ne réfute qu’indirectement la religion, il ne s’agit pas de montrer que c’est une erreur mais une illusion. Elle correspond à un désir. Ce désir n’est pas absurde , c’est même la condition humaine, mais c’est la satisfaction dans la religion qui est illusoire.
La religion est donc un mauvais remède à une vraie maladie . Il ne s’agit pas de ridiculiser le croyant mais plutôt de voir pourquoi il a besoin de croire : ainsi, l’attaque n’est pas philosophique mais psychologique . Il s’agit non pas d’expliquer mais d’interpréter la religion , c’est-à-dire de dégager le sens caché du sens apparent des discours du croyant .
Ces critiques , si originales et pertinentes soient-elles comportent pourtant des limites .
La réfutation est indirecte : ce n’est pas le contenu de la croyance qui est visé mais l’attitude du croyant . Enfin , elles sont arrogantes, elles présupposent que le croyant ne sait pas ce qu’il dit et que seul , le psychologue des profondeurs comprend le sens profond des propos du croyant .
On voit souvent cette attitude qui consiste , pour désamorcer un combat politique , à montrer les difficultés psychologiques de ceux qui les défendent . Février 2012, les propos de M. Letchimy (député de la Martinique) contre M. Guéant ont été ramenés à des propos d’un député Antillais blessé , comme si , au fond, il ne savait pas ce qu’il disait . C’est la mort de tout dialogue !
Or une telle critique n’est pas scientifique . K. POPPER rappelle que la psychanalyse comme le marxisme ne sont que des herméneutiques et pas des sciences .
Ne pourrait-on écouter ce que le croyant dit avant d’interprèter ses propos ?
2 Les motifs de la croyance : La raison au secours de la foi .
2.1 la théologie . (de théos, Dieu et logie, discours, étude rationnelle)
RQ : Sans entrer dans des considérations trop spécialisées, la théologie est née d’une difficulté liée à une prise de conscience déstabilisante :
Les théologiens découvrent au 13 ème siècle les philosophes grecs « païens » , qui ne s'appuyent que sur la raison alors que la foi en J.C, religion révélée, exige au contraire une soumission de l’esprit critique . Le risque est grand en effet d’identifier la religion à la marque d’une faiblesse d’esprit .
D’où le PB suivant : ne pourrait-on pas mettre la philosophie au service de la religion, la raison au service de la foi ? .
2.2 les preuves de l’existence de Dieu .
RQ : Prouver, c’est établir la vérité d’une proposition mais il y a au moins 3 types de preuve .
La plus grande des preuves, c’est la démonstration. On rencontre exclusivement dans la logique et les mathématiques .
Démontrer , c’est montrer la nécessité d’une conclusion lors d’un raisonnement et ou par la simple application du principe de non-contradiction . Ainsi on peut considérer comme nécessaire la fameuse conclusion du syllogisme selon lequel Socrate est mortel .
Tous les hommes sont mortels
Or Socrate est un homme
Donc Socrate est mortel
Cette dernière proposition est nécessaire car « elle ne peut pas ne pas être, le contraire impliquant contradiction ».
Ainsi , si je ne me donne qu’un concept, celui de corps,par exemple, je ne peux pas ne pas lui attribuer l’extension, si je l’analyse, sans avoir un concept littéralement impensable . En revanche, ne sera pas compris dans l’analyse du concept qu’il soit pesant : Un corps sans extension est impensable , pas un corps non pesant .
Pour votre gouverne personnelle, il existe d’autres types de preuves mais dont la validité n’est pas aussi ferme . Ainsi, lorsque l’esprit s’affronte au réel , il dispose plutôt de l’expérimentation, c’est le domaine de toutes les autres sciences .
Quant à l’histoire, sa preuve, elle qui ne peut ni démontrer au sens précis, ni (et encore moins) expérimenter, doit en revanche fournir des documents et recourir d’ailleurs aux autres sciences pour établir leur authenticité .
De quel type de preuve va se servir la théologie ? Il y en a principalement 3 , je vous les présente dans l’ordre habituel : de la plus solide à la plus fragile .
De la preuve logique et mathématique !
a) la preuve mathématique ou argument ontologique .
Dieu est un être parfait
Or l’existence est une perfection
Donc, Dieu existe
C'est tout !
Autre formulation
« [...] je ne puis concevoir Dieu sans existence, il s'ensuit que l'existence est inséparable de lui, et partant qu'il existe véritablement : non pas que ma pensée puisse faire que cela soit de la sorte, et qu'elle impose aux choses aucune nécessité, mais, au contraire, parce que la nécessité de la chose même, à savoir de l'existence de Dieu, détermine ma pensée à le concevoir de cette façon. Car il n'est pas en ma liberté de concevoir un Dieu sans existence (c'est-à-dire un être souverainement parfait sans une souveraine perfection), comme il m'est libre d'imaginer un cheval sans ailes ou avec des ailes. » DESCARTES
b) argument cosmologique ou argument « par la contingence » du monde.
On part de la causalité efficiente ( cf les 4 causes d’Aristote : cause matérielle, cause formelle, cause mécanique ou efficiente et cause finale) .
Elle consiste à remonter de l’existence du monde considéré comme contingent, à celle de Dieu, défini comme cause première et nécessaire de tout ce qui existe.On peut formuler ainsi cette preuve : le monde considéré aussi bien dans chacun des êtres qui le composent que dans leur assemblage, est contingent, c’est-à-dire qu’il existe mais pourrait aussi bien ne pas exister, n’étant pas parfait, il n’a pas en lui-même sa raison d’être ; il faut donc qu’il existe par la vertu d’un autre être, distinct de lui et qui soit, comme disait les scolastiques, « cause de soi »,c’est-à-dire qui ait en lui-même sa raison d’être, qui soit l’Etre nécessaire .
c) argument téléologique ou par les causes finales
On part ici de la nécessité de recourir à la cause finale . On prend pour point de départ l’ordre harmonieux, la finalité qui, dit-on, règne dans la nature. Celle –ci nous apparaît comme un système de moyens, et de fins.Or, tout système de ce genre suppose une cause intelligente. La nature ne saurait avoir qu’une cause intelligente , elle est donc l’œuvre non pas tant ici d’un créature d’ailleurs que d’un brillant architecte . Cette preuve est la plus populaire , c’est celle qu’utilisent tous ceux qui font du prosélytisme !
T° limites de ces preuves rationnelles :
1° Le philosophe les réfute .
2° mais le croyant aussi !
1°La réfutations des preuves de l’existence de Dieu . KANT. CRP . 1781
a’) On ne peut déduire analytiquement du concept que ce qui y est implicitement contenu ; or dans l’idée ou le concept de Dieu, n’est pas contenu l’existence réelle mais seulement sa possibilité logique . Dieu , en effet, est possible , autrement dit il n’est pas impensable. Mais qu’une chose ne soit pas contradictoire , ne signifie pas qu’elle existe ! Pour reprendre un exemple célèbre de KANT en le modernisant quelque peu : je peux aisément définir, c’est-à-dire donner l’essence d’une « carte infinite » : carte de paiement avec laquelle on peut retirer des sommes considérables, mais je ne vais pas pour autant la faire surgir de mon porte-feuille ! De la pensée, ou de l’essence d’une chose à son existence , la conséquence n’est pas bonne . Une existence ne se prouve pas , elle s’éprouve ! j’ ai bien l’Idée de Dieu mais ce n’est qu’une Idée .
b’) cette preuve dit KANT recèle toute « une nichée de sophismes ».
Il n’est pas évident que le monde soit contingent , c’est même ce qui fait question .
Pourquoi s’arrêter dans la série des causes ?
Rappelons cet argument : ce qui existe dans le monde ne saurait avoir sa raison d’être en lui-même. Si toutes les choses et tous les êtres existent de façon contingente, il faut assigner à chacun d’eux ou à leur état, une cause déterminée . En tant que cette cause ou cet état sont de nature empiriques (donnés dans l’expérience) , ils doivent eux-mêmes êtres considérés comme effets d’une cause ou d’un état antécédents, et aisi de suite à l’infini. De sorte qu’il est nécessaire de situer la raison d’être suprême de tout le contingent .
Nous posons spontanément, du fait de notre intelligence, une relation causale entre les phénomènes, nous disons que x est l’effet de y et y donc est cause.
Mais y n’est pas une cause absolue, y est à son tour effet de z.
Qui lui-même est l’effet d’une cause antérieure …
Ainsi notre esprit est-il renvoyé de cause en cause sans pouvoir se « reposer » sur une cause qui ne serait pas l’effet d’une cause antérieure , mais qui serait cause absolue , cause d’elle-même en quelque sorte .
Cette exigence de l’esprit nous la trouvons justement dans l’idée d’un être nécessaire. Tout le problème est là , nous passons sans nous en rendre compte d’une observation physique à une exigence de l’esprit , mais nous dépassons la physique et faisons de la méta-physique : par définition cette cause ultime de toute choses ne saurait faire l’objet d’une expérience , être observable dans le cadre spatio-temporel , elle n’est justement plus cosmologique ! L’existence d’un être nécessaire est au fondement de l’argument cosmologique de sorte que ce dernier repose en fin de compte sur la preuve ontologique qui vient d’être réfutée …
c’) L’ordre du monde mais quel ordre ?
_On peut se passer de cette idée :
L’idée de finalité est une idée assez naïve en fin de compte quand on prétend l’appliquer à la nature . C’est en effet une idée empruntée à l’action humaine et plus précisément à la technique . « Quand on considère un objet fabriqué, par exemple un coupe-papier »cf texte SARTRE ( Eh oui, il faut se souvenir de tous vos cours !) , on fait le raisonnement suivant : c’est pour couper le papier que cet objet est apparu, autrement dit, sa fonction : ce à quoi l’objet va servir précède et explique l’existence de l’objet, les matériaux nécessaires, sa forme etc . La conception précède et règle l’exécution !
Que faisons nous quand nous prétendons que « c’est pour voir que nous avons des yeux » ?
Nous prétendons traiter la nature par analogie avec la technique mais il y a en effet quelque chose de totalement dépassé dans cette approche . La science moderne n’a cure des causes finales , elle ne s’occupe que des causes mécaniques , voire même , se réduit à la détermination de loi , c'est-à-dire à la simple concomitance des phénomènes . Elle dit seulement : c’est parce que nous avons des yeux que nous voyons ! C’est l’organe qui crée la fonction , ce n’est pas la fonction qui crée l’organe et franchement comprendre les causes de la vision à plus fait pour nos yeux que tous ceux qui disent qu’ils sont beaux !
La science moderne pour dire les choses très simplement se contente de répondre à la question : « comment » et ne répond pas à la question « pourquoi » !
RQ : De là à dire que cette question n’a pas de sens, alors nous franchissons les limites de la science pour aller vers le scientisme ( thèse selon laquelle, un jour, toutes les questions qui portent sur le « pourquoi », questions métaphysiques ou existentielles auront une réponse de type physico-chimiques ). Cette attitude est tout aussi bornée d’ailleurs que l’obscurantisme ( qui prétend avoir plus de légitimité que la science pour répondre au « comment » : il y a eu l’affaire Galilée mais malheureusement l’histoire se répète : les créationnistes aux US .
Les deux risques existent aujourd’hui .
_Cette idée est loin d’être évidente !
« L’ordre de la traite négrière » ? Celui de la « solution finale » ? « des Khmers rouges » ou celui du président syrien ? …
2° Plus étonnant peut-être le croyant les ridiculise ! elles sont inutiles : elles n’ont jamais convaincu , ni converti personne . Qui plus est, elles sont vaines : elles ne sauvent personne !
« S’il y a un Dieu il est infiniment incompréhensible, puisque n’ayant ni partie,ni bornes, il n’a nul rapport à nous.Nous sommes donc incapables de connaître ne ce qu’il est, ni s’il est . »
le croyant PASCAL nous dit qu’une telle entreprise , prouver l’existence de Dieu est contraire à la vraie foi .
PB : si les mobiles , comme les motifs théoriques se révèlent illégitimes ou incapables de rendre raison de la croyance religieuse , ne devons nous pas reprendre toute la question à nouveau frais et réexaminer notamment ce qu’on entend par là ?
3 La croyance entre raison pragmatique et raison pratique .
Qu’appelle-t-on vraiment croyance ?
3.1 opinion, croyance, savoir .
« On doit distinguer la vérité qui est le caractère objectif de la connaissance ; le jugement par lequel queque chose est représenté comme vrai_ le rapport à un entendement et par conséquent à un sujet particulier_est subjectif, c’est l’assentiment . » KANT , Logique (consentement, approbation à une proposition )
.
Cette dernière comporte des degrés et l’on passe d’une certitude absolue liée à la conscience de la nécessité de ce que nous affirmons ( par ex , les propositions logiques et mathématiques) , nous avons alors un savoir et nous le savons , à l’incertitude qui implique que nous avons conscience du caractère contingent de ce que nous affirmons .
Mais l’incertitude est de deux sortes : nous pouvons avoir une incertitude liée à la fois au contenu et à la façon dont nous y adhérons . C’est le cas de l’ opinion . « Je crois qu’il fera beau demain » : 1 je n’ai aucune preuve de ce que j’avance et 2 moi-même je n’y crois pas trop : « je crois que » veut dire : je n’ai pas de certitude . Kant l’appelle jugement problématique .
A l’opposé, il y a une position qui concilie « l’incertitude objective avec la certitude subjective », c’est ce qu’on appelle la foi . Celui qui a cette foi ne dit pas qu’il croit que Dieu existe, il dit : « je crois EN Dieu ». Croire QUE et croire EN n’ont en effet pas le même sens ! Celui qui croit "EN" , quelle que soit d’ailleurs l’objet de sa croyance , son Dieu ou son avenir, n’a pas besoin de preuve ou d’une situation économique idéale . Il "y" croit , cela suffit . Celui qui croit « EN » sait qu’il croit mais cela n’est pas une faiblesse , on n’en verra que mieux la force de ses convictions .
Exemples donnés par KANT lui-même pour distinguer ces différents degrés de certitude :
je n’ai qu’une opinion si je vis comme si j’étais immortel : je crois que je sais .
J’aurais un savoir si je savais qu’il y a une vie après la mort : je sais(que je sais).
J’ai une croyance dans la mesure où je crois que je suis immortel : je sais que je crois.
L’opinion , la croyance le savoir portent sur des connaissances spécifiques.On ne peut pas parler d’opinion scientifique , quant aux objets de la croyance, ils sont assumés par elle pour des raisons morales et concerne les « choses dont je suis certain que le contraire ne saurait être prouvé ».
KANT rajoute dans une note : « la croyance n’est pas une source particulière de connaissance . C’est une sorte d’assentiment dont on a conscience qu’il est imparfait ,(…) elle diffère de l’opinion non par le degré , mais par la relation qu’elle entretient, en tant que connaissance avec l’action. Ansi un commerçant pour entreprendre une affaire a besoin non seulement d’avoir l’opinion qu’il a quelque chose à y gagner, mais de le croire, c’est-à-dire que son opinion soit suffisante pour qu’il se risque dans une entreprise incertaine. »
De cette remarque ,et des exemples donnés par KANT , nous pouvons dégager encore deux bonnes « raisons » de croire, en tout cas de continuer faire discuter le croyant avec l’incroyant .
En effet, les exemples donnés par KANT renvoient à l’ efficacité de la croyance, à , comme on dit, la force des convictions . On dit souvent qu’il suffit d’ « y » croire pour réussir . Qu’il s’agisse de l’efficacité d’un placebo, du « mental » d’un sportif de haut niveau , des prophéties auto-réalisatrices (effet Œdipe) , c’est toujours « la foi qui soulève les montagnes ». Ainsi , il y aurait une autre façon d’envisager la croyance , une façon , disons ,non plus théorique mais pragmatique et morale .
C’est peut-être ainsi qu’il faut envisager désormais la justification de la croyance et comprendre le sens du pari de PASCAL .
Que gagne-t-on à croire, quelle est l’utilité de la foi ? Parier c’est mettre à l’épreuve cette croyance par une comparaison . Pour reprendre ce passage ardu, rien ne vaut le livre très original et très savant de Denis MOREAU dont je vous recommande vivement la lecture : les voies du Salut . 2011
3.2 Faut-il parier sur l’existence de Dieu ?
"Examinons donc ce point, et disons : « Dieu est, ou il n'est pas. » Mais de quel côté pencherons-nous ? La raison n'y peut rien déterminer : il y a un chaos infini qui nous sépare. Il se joue un jeu, à l'extrémité de cette distance infinie, où il arrivera croix ou pile. Que gagerez-vous ? Par raison, vous ne pouvez faire ni l'un ni l'autre ; par raison, vous ne pouvez défaire nul des deux. Ne blâmez donc pas de fausseté ceux qui ont pris un choix ; car vous n'en savez rien.
Non ; mais je les blâmerai d'avoir fait, non ce choix, mais un choix ; car, encore que celui qui prend croix et l'autre soient en pareille faute, ils sont tous deux en faute : le juste est de ne point parier.
Oui, mais il faut parier ; cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqué. Lequel prendrez-vous donc ? Voyons. Puisqu'il faut choisir, voyons ce qui vous intéresse le moins. Vous avez deux choses à perdre : le vrai et le bien, et deux choses à engager : votre raison et votre volonté, votre connaissance et votre béatitude ; et votre nature a deux choses à fuir : l'erreur et la misère. Votre raison n'est pas plus blessée, en choisissant l'un que l'autre, puisqu'il faut nécessairement choisir. Voilà un point vidé. Mais votre béatitude ? Pesons le gain et la perte, en prenant croix que Dieu est. Estimons ces deux cas : si vous gagnez, vous gagnez tout ; si vous perdez, vous ne perdez rien. Gagez donc qu'il est, sans hésiter.
Cela est admirable. Oui, il faut gager ; mais je gage peut-être trop.
Voyons. Puisqu'il y a pareil hasard de gain et de perte, si vous n'aviez qu'à gagner deux vies pour une, vous pourriez encore gager ; mais s'il y en avait trois à gagner, il faudrait jouer (puisque vous êtes dans la nécessité de jouer), et vous seriez imprudent, lorsque vous êtes forcé à jouer, de ne pas hasarder votre vie pour en gagner trois à un jeu où il y a pareil hasard de perte et de gain. Mais il y a une éternité de vie de bonheur. Et cela étant, quand il y aurait une infinité de hasards dont un seul serait pour vous, vous auriez encore raison de gager un pour avoir deux, et vous agiriez de mauvais sens, étant obligé à jouer, de refuser de jouer une vie contre trois à un jeu où d'une infinité de hasards il y en a un pour vous, s'il y avait une infinité de vie infiniment heureuse à gagner. Mais il y a ici une infinité de vie infiniment heureuse à gagner, un hasard de gain contre un nombre fini de hasards de perte, et ce que vous jouez est fini. Cela ôte tout parti : partout où est l'infini, et où il n'y a pas infinité de hasards de perte contre celui de gain, il n'y a point à balancer, il faut tout donner."
PASCAL , Pensées (1670), extrait du fragment 233 dans l'édition L. Brunschvicg.
Résumons :
Le pari de PASCAL : tableau extrait de l’oeuvre de D. MOREAU : Les voies du Salut
Pari opéré
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Conséquence en cette vie
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Conséquence après cette vie
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1 je parie « Dieu existe »( j’ai raison)
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Je mène une vie pieuse :quelques jouissances mais peu nombreuses( quantifiables par ex comme 10)
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« infinité de vir infiniment heureuse », « Eternité de vie et de bonheur », gain infini : « vous gagnez tout »
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2 je parie « Dieu existe »(et j’ai tort)
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Même chose que dans le cas précédent
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Néant= 0 « vous ne perdez rien »
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3 je parie »Dieu n’existe pas »(et j’ai raison)
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Je mène une vie de libertin, de « divertissement » :nombreuse jouissances( quantifiables par ex comme 100, 1000, ou même 10000 !)
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Néant=0 »vous ne perdez rien »
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4 je parie « Dieu n’existe pas « (et j’ai tort)
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Même chose que dans les cas précédent .
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Eternité malheureuse. Perte infinie(quelque chose comme « vous perdez tout », « infinité de vie infiniment malheureuse »)
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Ce pari nous étonne aujourd’hui et il faut mettre au jour ce qu’il présuppose , le problème dont le pari est la solution .
c'est le problème du mal .
3.3 le problème du mal .
le croyant va opposer un ultime argument aux sages et aux savants mais il contient aussi la plus grande objection , comme si la croyance authentique impliquait d'assumer l'athéïsme.Cet ultime argument est paradoxal puisqu'il s'agit d'admettre et de reconnaître le scandale du mal.
On distingue traditionnellement le mal physique, le mal moral et le mal métaphysique .
Le mal physique englobe non seulement la douleur physique mais aussi la souffrance morale , comme celle de n’être pas aimé, d’être victime d’une injustice.
Le mal moral , c’est la faute,la volonté du mal, à la limite , pour le croyant le péché.
Le mal métaphysique , quant à lui, est lié à notre finitude : quoi que nous fassions nous aboutissons à la mort et nous sommes , notre vie durant, confronté à nos limites y compris quand nous voulons faire le bien .
Face au problème du mal , il y a trois attitudes possibles .
1- soit de le nier :
La difficulté du problème du mal c’est de reconnaître sa positivité. Le mal n’est pas simplement l’absence de Bien , comme les ténèbres ne sont que l’absence de lumière, le mal n’est pas la contradictoire du Bien, un non –bien mais son contraire , comme l’amer est le contraire du doux et la douleur le contraire du plaisir . Il y a quelque chose de positif dans ce négatif .
2-soit de le surmonter , ce qui est encore le nier en montrant qu’au fond, tout mal est médiatisable . C’est la position de l’idéalisme . Le propre du discours idéaliste, rappelle E.BORNE dans « Le problème du mal » est de considérer que toute douleur physique étant aussi douleur morale , souffrance d’esprit . En étant souffrance d’esprit, la conscience du mal nous montre aussi la valeur de l’esprit, la souffrance creusant en l’homme une dimension d’intériorité, "engendre un chemin escarpé et clair" . « le mal de la douleur serait racheté par l’esprit qui pense la douleur ». La conscience de la faute serait ainsi remède unique et nécessaire, la connaissance du mal serait défaite du mal. Toute faute serait au fond « felix culpa » , un mal pour un bien ,un mal nécessaire, disons nous familièrement .
Le fond de cette attitude ,serait celle de la Sagesse dont les 3 catégories sont : « totalité, nécessité, beauté »
Bien des sagesses, bien philosophies, bien des religions ont pris ce chemin qui consiste à dire que le mal n'est qu' une vision partielle du Tout.
Pourquoi ? parce que le mal si on refuse de le surmonter, si on entend le cri de celui qui souffre n’est pas médiatisable et provoque remords et angoisse !
Le mal , c’est tout simplement l’échec de la sagesse et de la raison . La preuve par la contingence, la preuve téléologique ne résistent pas à l’épreuve du mal, c’est-à-dire , à l’écoute de la conscience qui souffre .
PB : Aucune de ces solutions n'est satisfaisante . Dès lors ,la question est : comment reconnaître , l'existence du mal , sans immédiatement le réduire à un mal métaphysique, c'est-à-dire à une simple privation , sans pour autant sombrer dans l'angoisse et le désespoir ?
RQ J’ai lu , il y a déjà quelques temps les Bienveillantes de Jonathan LITTLE, je crois que je ne peux l'oublier et il serait bon que l ‘éditeur inscrivît ce que le lecteur ( en tout cas , c'est mon cas ! ) éprouve une fois la dernière page refermée.
" la conscience ne peut connaître le crime commis par d'autres sans participer à l'illumination du remords" E.BORNE
3- la solution est donc forcément équivoque. Si, comme PASCAL, je refuse les paroles de consolation, les discours rationnels qui disent que « le vrai, c’est le tout », j’assume forcément l'angoisse de l’athéïsme et « le silence éternel » d’un Dieu qui n’est pas dans les cieux .
« L’athéïsme restaure la sensibilité au mal endormie dans les mythologies et dans les panthéïsmes, il réveille l’angoisse et il découvre du même coup l’essence du mal qui est la rupture entre l’être et la valeur . » E. BORNE
Le monde est cassé .
RQ Il y a athéïsme et athéïsme dit E.BORNE. celui qui se contente de stigmatiser (c’est un comble !) l’anthropomorphisme des religions d’un Dieu personnel,et qui fait de la réalité immanente dans l’espace et dans le temps la réalisation d’un ordre objectif , « satisfait seulement de ne point allèguer un Penseur ou un Ordonnateur distinct du grand œuvre", "croit supprimer Dieu et garde l’armature rationnelle des preuves de l’existence de Dieu. »
Beaucoup d’ouvrages aujourd’hui , qui opposent Dieu et la science sont de cet acabit et méritent juste d’être rangés dans la catégorie su scientisme, cette foi dans la science .
L’ athéïsme dont il est question c’est celui qui assume "l’ironie de l’esprit et le sentiment tragique de l’existence" , celui qui refuse la synthèse ; alors oui, cet athéïsme est juste sauf qu’il est difficile .
Il ne reste donc à celui qui refuse cet athéïsme que le pari , cette ultime foi en la raison qui dépasse et conserve l’angoisse de l’athéïsme. « l’authentique croyance en Dieu est un athéïsme assumé et nié » Ce n’est pas un suicide de l’esprit mais un acte de liberté qui implique risque et responsablité personnelle en vue d’un Dieu évidemment caché .
conclusion :
Qu’est –ce qui motive la croyance religieuse ?
C’est sans doute la peur de mourir, la soif d’absolu, la naïveté, l’ignorance ou au contraire l’exigence d’une parfaite intelligibilité du réel mais ces motivations ne résistent pas aux soupçons ni aux Lumières de la raison .On ne peut cependant demander au croyant qu’il soit indifférent au mal, aux massacres des innocents, de Syrie ou d’ailleurs . Le massacre des Innocents n’est pas qu’un problème politique ou économique mais la ruine même du sens .
C’est en ce sens que le croyant peut avoir le dernier mot : il faut parier , « nous sommes embarqués ».