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3 mars 2012 6 03 /03 /mars /2012 12:01

 

Une culture peut-elle être porteuse de valeurs universelles ? (esquisse)

 

Le concept de culture est polysémique mais quand on parle d’une culture on entend par là ce qui la distingue des autres . En effet, une culture possède  des caractères qui lui sont propres et qui constituent son identité  . Ainsi, la langue, la religion, des mœurs, l’état de son développement technique, ses arts constituent ses signes distinctifs . Quant aux valeurs universelles, elles désignent des idées , des principes universellement acceptés par tous les hommes quelle que soit leur culture . Mais justement , une question se pose : une culture peut-elle être porteuse de valeurs universelles ?

Il s’agit de savoir s’il est possible et légitime (ici j’analyse, je décompose le « peut-elle ») qu’une culture , forcément particulière,  puisse porter, c’est-à-dire avoir la capacité , à promouvoir des valeurs transcendant sa propre source et susceptibles de s’étendre à tous et toutes ?

A priori, ( à ce stade je dois montrer le paradoxe contenu dans le sujet et ici je m’appuie sur l’analyse des concepts à laquelle je viens de procéder  ) ,si une culture est particulière , elle n’est pas universelle !!! D’un point de vue strictement logique ce qui est particulier c’est ce qui ne concerne que la partie d’un tout et la partie seulement ! Donc, en droit, c’est-à-dire ici conformément aux principes de la logique ,  elle ne peut pas l’être , c’est impossible ,  impensable parce que contradictoire .(je viens donc de fournir la 1ère réponse en m’appuyant sur un sens de « peut » qui est celui de la possibilité logique )

Mais, il serait très naïf d’oublier que les faits se moquent bien de la logique ! En fait , bien des cultures prétendent être porteuse de valeurs universelles . (ici , je développe le sens de « peut » au sens de possibilité matérielle ) . L’anglais n’est-il pas devenu la langue universelle ? Quant à l’Eglise romaine n’a-t-elle pas vocation à être universelle , c'est-à-dire , catholique  ? l’Islam n'est il pas une religion tout aussi prosélyte ? Quant au mode de vie occidental n’est-il pas devenu aussi l’idéal de vie de toute la planète ?

Dès lors , entre l’impossibilité logique et la réalité des faits , que devons-nous penser ?

Le problème serait donc de savoir si nous pouvons dégager les critères de la légitimité (ici je m’appuie sur le dernier sens du « peut-elle » qui est celui sur lequel, enfin , on réfléchira vraiment, )  qui autorise une culture à  exporter ses valeurs sans qu’elle se voie accusée d’impérialisme culturel .

L’enjeu est essentiel  il porte sur la possibilité pour les hommes d’avoir des valeurs communes qui leurs permettent évidemment de vivre ensemble malgré la diversité de leur cultures respectives .

 

 

 

1 Quelques précisions sémantiques

            1.1 définition du concept de nature/culture.

                        a) la définition de la nature

                        b) la définition de la culture

            1.2 la culture dont il est question ici indique la façon concrète et diverse par laquelle les cultures se manifestent .Il ne faut donc pas confondre la culture (par opposition à la nature)  et une culture parmi d'autres. .Ce qui est frappant , c’est la diversité des langues, des religions, des façons de vivre, jusque dans ce que l’on croit « naturel » et qui est en fait toujours « culturel » cf Marcel MAUSS , les techniques du corps . (ce paragraphe peut-être descriptif car on s’appuie sur l’ethnographie .)

 

T° Si on radicalise, on peut voir que ce qui fait l’identité d’une culture , c’est sa différence avec les autres et qu’en aucun cas , du moins sur le plan logique , ce qui constitue une caractéristique contingente et particulière ne peut devenir universelle et nécessaire sauf à enfreindre les lois fondamentales de la logique ! On le sait, pourtant  l’histoire n’aime pas trop la logique , elle se moque bien de violer le principe de contradiction ! Les faits nous indiquent plutôt qu’une culture obéirait au principe de la logique de l’expansion !

 

2 La logique de l’expansion ou les faits qui dénoncent le prétendu droit .

 

                        2.1 De la diversité à la conflictualité et de la conflictualité à la domination .

Puisque la terre est ronde, les cultures ne pouvant plus s’accroître dans un espace infini , se rencontrent et rentrent en conflit . On assiste à une lutte pour la vie des cultures qui s’érigent en modèle et par la guerre prétendent s’imposer aux voisins immédiats ou plus lointains .

La guerre n’est pas une simple violence entre deux ou plusieurs protagonistes , elle implique d’abord des Etats ou au moins des groupes constitués qui revendiquent un territoire spatial  .

                        2.2 Mais , mauvaise conscience ou effet de mode, les cultures justifient souvent ces expansions derrière un masque idéologique où la religion a la plus grande part . Les croisades , les guerres soit-disant « saintes », viennent  toujours d’une volonté de posséder, l’or , les épices, ou le pétrole et bientôt peut-être,  l’eau .

                        2.3 Quoiqu’il en soit , derrière les justifications idéologiques, il n’y a guère, sans mauvais jeu de mots, que la soif de domination et l’avènement du droit du plus fort .

 

 

T° D’un côté, une culture ce n’est qu ‘ « une » culture , de l’autre il est dans la nature d’une culture de s’ériger en modèle civilisationnel . Rappelons que la concept de civilisation se distingue au moins du concept de culture par son aspect quantitatif . Une civilisation c’est plus grand qu’une culture parce qu’une civilisation , précisément,  intègre différentes cultures. On dira que la civilisation orientale intègre dans son concept la culture chinoise, mais aussi la culture japonaise,  coréenne . La culture occidentale elle-même a intégré Athènes la rationnelle et Jérusalem la croyante . (cf  T .TODOROV) . Reste à savoir en effet « comment » elle fait cette intégration et au nom de quoi !

 Il y a donc dans le concept de civilisation quelque chose de purement factuel , ce  pourrait être une culture qui a réussi au sens où l’on dit du christianisme qui a fini par s’imposer que ce n’est au fond qu’ « une secte qui a réussi » !

 

 Mais le concept de civilisation possède aussi un sens qualitatif, voire moral et dynamique . Le concept de civilisation  possède donc  le sens  de progrès . On parle des progrès de la civilisation , c’est-à-dire du progrès des lumières de la  raison  sur l’obscurantisme et la barbarie . Le concept de civilisation est en ce sens un idéal . 

 Autrement dit , une civilisation serait vraiment civilisée dans sa capacité à intégrer , c’est-à-dire à transcender les différences culturelles non au nom d’un odieux et injuste droit du plus fort mais au nom d’une capacité à promouvoir ce qui  serait vraiment légitime .

Pouvons-nous donc chercher à dégager les critères permettant de légitimer une culture à posséder virtuellement la capacité à être universelle ? En d’autres termes, pouvons-nous  dégager le droit pour une culture de s’ériger en modèle de civilisation ?

 

 

3 De la culture à la civilisation ou des critères d’une civilisation civilisée .

 

                        3.1 des faits culturels objectivement universels .

Jusqu’à présent nous n’avons évoqué que des faits bien polémiques , mais ne se trouve-t-on pas parfois en possession de faits qui posent objectivement problème puisqu’ils proviennent d’une ou de plusieurs cultures particulières mais  sont universels ? Les mathématiques, la géométrie, ne sont-t-elle pas grecques ? l’algèbre, arabe ? le zéro, indien ? Bref , devrions-nous au nom du respect des cultures et de leur égale dignité écrire en chiffres romains ? 

Or sur quoi se fonde une telle universalité ? N’est-elle pas liée au fait que par delà les cultures , il y a une faculté que possède tous les hommes,  à savoir la raison ? Si les mathématiques se sont imposées à tous c’est parce qu’elles ne sont pas le produit fantaisiste dont les cultures sont en effet capables , mais parce qu’elles se fondent sur cette faculté qui fait l’essence même de l’homme quelle que soit sa culture . Cette faculté c’est la raison  .

Vouloir renoncer à la raison  ce serait ici  invoquer l’argument de la folie  et on n’a pas attendu  DESCARTES  pour savoir que ce n’est pas un argument soutenable.

Mais si l’homme est décidément un animal raisonnable , ne pourrait-il pas faire fonds sur cette raison , non seulement pour penser mais aussi pour vivre ?

N’y-a-t-il pas d’autres faits culturels qui prétendent s’ériger en normes transcendantes concernant non plus la façon dont nous devons penser mais la façon dont nous devons vivre ?

 

 

                        3.2 La Déclaration Universelle des Droits de l’Homme et du Citoyen.

Que dit exactement ce texte ? Que présuppose-t-il ? Il affirme que ce qui fait l’essence de l’homme c’est la conscience et la raison , non le sexe ou la race  . Un homme blanc devenant noir ou femme n’en continuerait pas moins d’être homme !!! Sexe et race sont des accidents qui n’appartiennent pas à l’essence de l’homme , c’est-à-dire à ce qui lui appartient  nécessairement .

Faudrait-il renoncer à ce point à la logique et affirmer que l’égalité ne concerne que ceux qui appartiennent à tel ou tel sexe , à telle ou telle « ethnie », mais cela impliquerait  que les mathématiques ne sont que grecques et masculines !   Or si EUCLIDE,  THALES et PYTHAGORE sont des mâles grecs ils ont inventé ou découvert (? ) un savoir dépassant à jamais le siècle de PERICLES ! 

 

Nous vivons dans une époque scientiste  qui s’accompagne paradoxalement d’une conception relativiste dans le domaine

de l’action .

 Parler d'un "choc des civilisations"illustre parfaitement ce que nous voulons dire car une telle opinion présuppose que l'on réduise le sens du terme à sa dimension purement factuelle .De fait , il existe plusieurs civilisations au sens quantitatif, mais il n'existe qu'une seule idée de civilisation au sens qualitatif : le  progrès de la civilisation est toujours et partout reconnaissable, sa regression, toujours possible, dans la barbarie,   l'est tout autant  !

En ce sens , et  en ce sens seulement , on peut dire que toute  Idée de civilisation ne se vaut pas mais aucune de celles qui existent de fait  ne peut se prévaloir d'avoir échappé au risque de barbarie , à commencer par  la nôtre qui , à juste titre,  se pose cette question !

( la récente polémique entre M.Guéant et M.Letchimy  ( Exercice : Comment dépasser la polémique ? Ou du drame du quiproquo !) repose au fond sur une confusion sémantique : M.Guéant parle de l'idéal de la civisation  tandis que M.Letchimy parle du fait de la civilisation :  à un premier niveau, ils ont tous les deux raison  car  ils ne parlent donc pas de la même chose !  Ce qui produit la polémique au delà du quiproquo c'est que M.Guéant confond dans son propos l'idéal et le réel , l'Occident y  apparaît comme le parangon de vertus .  C 'est pourquoi, si l'on relit attentivement  l'intégralité des propos de M. Letchimy, il est beaucoup moins relativiste qu'il n'y paraît , il ne confond pas l'idéal et le réel , il fait bien appel à l'universel, il rappelle seulement qu'il faut toujours  "balayer devant sa porte ").

Enfin, admettre   que la raison n’ait  qu’un usage théorique et  pas un usage pratique scellerait le destin de l’humanité par l’avènement inéluctable de la Barbarie  .   S’il est vrai que la raison théorique nous permet de faire toujours plus de découvertes scientifiques  et d’applications techniques  et si aucune raison ne se manifeste dans le domaine moral et politique,  elles seront forcément au service de l’expansion vitale et alors on verra en quoi consiste la supériorité de la civilisation …

Dégager les critères de ce qui fait la dignité de la personne , soumettre les applications de la technique aux exigences de la justice et du droit , voilà qui semble relever des exigences de la raison pratique aussi et même plus impérieuses que  celles de la raison théorique .

 

 

 

                         Conclusion :

 Ainsi, nous sommes en mesure d’établir les critères qui permettent de considérer qu’une culture peut légitimement exporter ses valeurs : c’est à la conditions qu’elles ne soient pas les siennes mais qu’elles soient celles de tous les hommes considérés comme raisonnables et libres . Autrement dit encore , ce qui fait la grandeur d’une civilisation , ce n’est évidemment pas sa taille, ni son pouvoir de nuire , mais sa capacité à se dépasser elle-même , à nier sa propre et naturelle  idiotie (particularisme) . Nous ne sommes pas des Anges, la découverte de l’universel passe nécessairement par le particulier et le danger c’est que ce particulier  confonde les deux sens du mot civilisation .Se croire arrivé au terme d’un idéal , confondre la civilisation comme horizon avec la civilisation comme fait nous entraîne toujours vers la Barbarie où plus banalement risque de nous faire tomber dans  l’imbécillité   revers de notre perfectibilité, et qui,  comme elle,  est sans limite,  aussi bien au niveau  de l’espèce que des individus . (cf ROUSSEAU Discours sur l’origine et le fondement de l’inégalité parmi les hommes ) . L’enjeu est fondamental car il s’agit de choisir entre le dia-logue ou le monologue des cultures,  ce dernier débouchant souvent sur la guerre en raison d' un prétendu "choc des civilisations" . 

 

                         

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